Après une annonce surprise lors du Nintendo Direct de février 2024 et un trailer plus qu’alléchant quelques jours plus tard, la dernière production du studio japonais FuRyu avait fait de l’œil à beaucoup. Quand en plus les joueurs avaient appris la participation de grands noms de chez Square Enix à l’aventure REYNATIS, l’attente s’était faite encore plus forte. Pour autant, le studio est un habitué des effets d’annonce qui finissent souvent en déception et le peu de temps entre la révélation du jeu et sa sortie (le 25 juillet 2024 au Japon et le 27 septembre 2024 dans nos contrées), sur PS4, PS5 et Nintendo Switch, a de quoi rendre dubitatif. Comme nous sommes d’éternels optimistes à la rédaction, c’est avec joie et enthousiasme que nous nous sommes lancés à l’assaut d’un Shibuya déchiré par les affrontements entre mages. Une épopée que le prologue annonçait dantesque et passionnante, mais… Parce que oui ! Malheureusement, il y a un mais…
Ce test a été réalisé sur une version PS5 fournie par l’Éditeur.
Street of Mage
Dans REYNATIS, le monde est peuplé par deux catégories d’êtres humains, ceux qui sont capables d’utiliser la magie et le commun des mortels à qui ils inspirent la plus profonde peur et répulsion. Cependant, malgré leurs pouvoirs, les magiciens sont eux-mêmes divisés en trois factions : ceux œuvrant pour le gouvernement et faisant partie intégrante du M.E.A, ceux appartenant à la Guilde, une organisation terroriste ayant pour but la suprématie des mages, et ceux sans affiliations qui cherchent juste à vivre en paix, mais qui sont victimes de discriminations au quotidien. Afin de réaliser ses objectifs, la Guilde a mis en circulation une drogue extrêmement addictive, le Rubrum, qui bien que donnant des pouvoirs temporaires, finit par transformer les consommateurs en monstres appelés les “Maudits”.
C’est dans ce contexte que nous allons incarner, à tour de rôle, Sari Nishijima et Marin Kirizumi deux magiciens aux allégeances opposées. La première est une soldate du M.E.A qui ne souhaite qu’une chose, éradiquer la production et la circulation de Rubrum et protéger les citoyens de Shibuya. Le second, fatigué de devoir cacher ses pouvoirs sous peine de représailles, débarque dans le quartier pour exaucer le souhait de son défunt père : devenir le plus fort des magiciens pour être enfin libre. Au départ ennemis, les circonstances amèneront Sari et Marin à collaborer pour atteindre leur but respectifs et comprendre ce qui se cache réellement dans les recoins les plus sombres de Shibuya et d’Another (le monde parallèle où vivent les sorciers).
Vous l’aurez compris, vous résumer de façon simple et concise le pitch de REYNATIS tient de la gageure, tant les enjeux et les motivations des uns et des autres sont multiples et bien souvent entremêlés. Pourtant, en jeu, la compréhension se fait assez naturellement, pour peu que vous ayez un assez bon niveau d’anglais, car aucune traduction française n’est disponible et les dialogues sont très (trop !) présents. Et nous touchons ici à l’un des points fâcheux. Nous sommes sans arrêt submergés de textes pas toujours très intéressants et quand une information importante transparaît, il n’est pas rare que l’on n’y prête pas attention et que l’on se retrouve perdus par la suite.
Si les informations fusent de partout, l’intrigue, elle, avance assez lentement et il faut attendre plus de la moitié du jeu avant que les intérêts de Marin et Sari convergent et que l’on rentre enfin dans le vif du sujet. Cela étant, le jeu a pour lui une durée de vie assez courte pour ce genre de production, d’environ une trentaine d’heures, ce qui, bien que n’empêchant pas quelques longueurs et ventre mous, les limite quand même fortement. D’autant que dans ce laps de temps, il faut compter un nombre de quêtes annexes assez conséquent. Voilà qui permet de mener le récit à son terme, ne serait-ce que pour la curiosité de voir où le scénariste voulait en venir.
Bon vent Marin
Car, comme je vous le disais en introduction, REYNATIS compte de grands noms à son générique, à commencer par Kazushige Nojima au scénario (Kingdom Hearts, FF VII Crisis Core, Advent Children, …). Il serait donc dommage de passer à côté, d’autant que ce dernier possède quelques fulgurances et références à même de faire passer la pilule (ou pas) des défauts sus cités. Surtout qu’en prime, les environnements sont habillés par la magnifique musique de Yoko Shimomura, dont les accents enchanteurs font tout de suite penser à ses précédentes créations pour Kingdom Hearts, Final Fantasy XV ou Xenoblade Chronicles par exemple. Pareillement, le doublage japonais est de qualité et le manque de voix anglaises ne se fait pas trop sentir.
Ce qui est plus difficilement justifiable, ce sont les modèles 3D des personnages, parfois très laids et souvent aussi expressifs que des parpaings, une réalisation qui n’est clairement pas au niveau des standards actuels que ce soit pour les textures ou autres éléments graphiques. On en vient même à peiner à s’attacher aux protagonistes tant ils sont inexpressifs et figés. Et je ne parle pas de l’aliasing, des bugs et des quelques ralentissements qui viennent ponctuer l’exploration, car finalement ce n’est pas le plus gênant.
Heureusement, les artworks eux sont superbes et viennent sauver un peu REYNATIS, d’autant que si les lieux à explorer sont nombreux, ils manquent quand même un peu de variétés, la plupart se réduisant au quartier tokyoïte de Shibuya, quand Another propose de la forêt, du désert et quelques autres biomes sous la forme d’une succession de couloirs et d’arènes. Il ne faut pas naviguer longtemps dans le jeu pour comprendre que l’équipe de développement à tout miser sur les combats et sur ses mécaniques et aux vues de ce qui précède, la surprise a été plutôt bonne, à quelques exceptions près.
Quand j’explore, quand j’explore, quand j’explore Wizart !
REYNATIS est donc un action-RPG, ce qui implique un système de combat nerveux et dynamique. De ce point de vue là, la mission est totalement réussie, tant les combats sont jouissifs et punchy en diable. Votre équipe comptera trois combattants, que vous pourrez alterner à la volée, moyennant un temps de rechargement entre chaque échange. Quand on sait que chacun possède deux coups, voilà de quoi faire de beaux combos afin d’obtenir la note maximale à chaque fin d’affrontement (cela déterminera le pourcentage d’expérience que vous gagnerez en plus). Cependant, on en vient assez vite à regretter que seuls deux slots d’attaques soient disponibles, tant le nombre de techniques disponibles est important.
Ces techniques peuvent d’ailleurs s’acquérir lors de l’exploration en trouvant des “Wizart”, espèces de tags magiques qui, une fois observés, vous accorde des bonus ponctuels et autres compétences. Mais pour pouvoir les débloquer, il vous faudra d’abord baisser le niveau de malice de vos personnages en réalisant des quêtes annexes à même de les rendre sympathiques aux yeux du public. Une astuce maligne obligeant le joueur à ne pas passer outre les demandes n’ayant pas de rapport avec la quête principale de REYNATIS. Chaque personnage possède également plusieurs emplacements de compétences d’augmentation des statistiques et/ou d’effets passifs, même si un seul est accessible au début.
Il est à noter que la possibilité de débloquer les autres emplacements n’arrive qu’assez tard dans le jeu, ce qui est assez rageant, tout comme le fait qu’augmenter les capacités de niveau se fait personnage par personnage, alors même qu’ils partagent sensiblement le même panel d’aptitudes. Toutefois, n’allez pas en déduire que vos avatars seront tous axés sur le même style de combat, il n’en est rien et manipuler Dogo ou Sari impliquera des différences notables en ce qui concerne le timing des coups. Ainsi Sari et Marin sont des personnages assez légers et frappant vite, Nika et Ukai quant à eux attaqueront à distance quand Dogo et Moa auront une frappe lourde, plus lente, mais plus dévastatrice. Ces éléments seront donc à prendre en compte afin d’adapter au mieux le magicien à son adversaire.
Mais FuRyu n’a pas tout misé sur l’attaque, loin de là et l’une des mécaniques principales des batailles de REYNATIS joue sur l’esquive et le contre. Ainsi, en pressant la gâchette R1 au bon moment et en la relâchant de même, vous pourrez recharger une grosse quantité de mana qui parfois vous octroiera la possibilité de ralentir votre opposant afin de le rouer de coups, soit de déclencher une attaque spéciale dantesque. Bien que géniale sur le papier, cette mécanique laisse à désirer dans son exécution et on se retrouve plus souvent à déclencher le contre totalement par hasard en bourrinant la gâchette que quand on l’a réellement prévu, la faute à une activation pour le moins arbitraire.
Azarath Metrion Zinthos
Nous l’avons vu, si les rencontres musclées entre vos alliés et le reste du monde se taillent la part du lion dans REYNATIS, la part de l’exploration n’est pas à négliger puisqu’elle permet de dégoter les divers “Wizarts” peints sur les murs de Shibuya. À ce titre, il faut bien intégrer que les mages sont persona non grata dans la société et que seuls ceux travaillant pour le M.E.A sont tolérés par le grand public. Ainsi, si passer en mode “libéré” (mode durant lequel vous pouvez utiliser la magie, ce qui occasionnera une baisse de votre énergie magique assez rapide au fil du temps) avec Sari et ses collègues se révélera sans conséquence, ce n’est pas le cas pour Marin et les autres membres de Owl ou de la Guilde qui doivent rester cachés sous peine d’être dénoncés aux autorités.
Chaque rencontre avec un ennemi vous obligeant à utiliser vos pouvoirs devient donc problématique, puisque les témoins vont tout de suite vous signaler sur les réseaux, même si vous repassez en mode “Supprimé” immédiatement après. Devant ce déchaînement, votre jauge de stress va progressivement augmenter et si vous ne réagissez pas assez vite en quittant la zone ou en allant vous cacher dans des spots spécifiques, les agents du M.E.A vous attaqueront et croyez-moi, ils ne sont pas tendres en plus d’être surpuissants. Si un stress élevé à un impact positif sur le taux d’attaque de votre personnage, quand il atteint les 100 % vous êtes forcés de passer en mode “libéré” avec toutes les chances que le gouvernement ne vous tombe dessus.
Vous pouvez aussi parfaitement décider de passer d’un état à l’autre en ville et appuyant sur L1, mais sachez que quand vous avancez masqué, vous pouvez converser avec les passants et accéder à des quêtes annexes. En mode “Libéré” vous pourrez trouver des objets indétectables autrement et vous déplacer plus rapidement. Il est à noter que certaines interactions et autres tâches effectuées pourront aussi augmenter le niveau de stress de votre avatar, mais heureusement la consommation de certaines boissons règlent très bien ce problème.
Sari-me à rien !
Depuis le temps que je m’intéresse aux jeux vidéo, j’ai bien souvent entendu parler du studio FuRyu dont certaines productions m’attiraient comme The Caligula Effect Overdose, CRYMACHINA ou encore Crystar. Toutefois, refroidie par les tests que j’avais pu lire à l’époque, j’avais préféré passer mon tour. Avec REYNATIS, je pensais sincèrement que le studio japonais avait appris de ses erreurs, tant les trailers et autres annonces officielles m’avaient enchanté. Sans être une totale déception, il faut bien reconnaître que l’expérience à un goût amer, devant les trop nombreux défauts du soft. Bien que le récit débute de manière poussive, j’ai trouvé la motivation et l’envie de le mener à son terme et je dois dire que les scénarios additionnels dont celui qui propose un crossover avec NEO : The World End with You m’ont prouvé que j’avais eu raison de m’accrocher.
D’autant que si j’ai adoré les combats à la chorégraphie folle et aux effets de lumière spectaculaires, je n’ai pas compris le pic de difficulté présent au début de REYNATIS, lors de la première rencontre de nos héros ou quand le M.E.A vous tombe dessus parce que vous n’avez pas été assez rapide pour vous cacher. Surtout que, malgré l’absence de niveaux de difficulté, la plupart du temps, on roule un peu sur le jeu dont les boss sont très accessibles pour peu qu’on ait assez de patience pour ne pas les attaquer bille en tête.
Aussi, je suis généralement favorable à un lore bien développé, mais quand cela passe par de fréquentes conversations sautant parfois du coq à l’âne et insérées de façon à nous faire perdre le fil de l’action, cela n’a qu’un seul effet, m’ennuyer passablement et me frustrer au plus haut point. Je dois bien l’avouer, je n’ai toujours pas compris l’intérêt des conversations par chat interposé et dont les réponses que nous sélectionnons n’ont absolument aucun impact en partie. Voilà qui est fort dommageable et j’aurais apprécié que nos réponses influent sur les liens entre les divers protagonistes. En tout état de cause, je dois reconnaître être totalement passée à côté du système de stress (sauf une seule fois dans mon run), qui ne m’a jamais réellement impacté sauf en cas de combat en pleine rue et quand la sortie se trouvait assez loin de moi.
Les items de soins étant fournis par pelletés, je n’ai jamais eu besoin d’en acheter, pas plus que je ne me suis fournie en boisson pour faire baisser le stress. Quant au portail menant à la boutique pour débloquer les slots de compétence, j’ai malencontreusement oublié sa localisation pendant une grande partie de l’histoire et je peux vous assurer qu’on arrive très bien à progresser même avec seulement deux guerriers ayant deux slots de compétences passives quand les autres n’en ont qu’un. J’attendais beaucoup de REYNATIS, trop peut-être ? À l’issue de ce test, je peux certifier que c’est indéniable !
Alors que le studio FuRyu nous avait fait miroiter un action-RPG spectaculaire et passionnant, la réussite n’est que partielle. Certes, les combats sont impressionnants de nervosité et de dynamisme et l’intrigue, bien que poussive par moment, arrive à nous accrocher malgré tout, au contraire des personnages, inexpressifs au possible et auxquels on peine à s’attacher. Malheureusement, la technique datée et les divers problèmes émaillant REYNATIS ne sont pas faits pour relever le niveau et les annonces éclatantes du studio avant la sortie du titre font l’effet d’un pétard mouillé. REYNATIS est un bon jeu pour qui saura passer outre ses défauts, mais il n’a pas su nous convaincre entièrement. Dommage !
La note de la rédaction
Les notes de la rédaction
Les points positifs
Un système de combat ultra-nerveux et jouissif
Des artworks sublimes
Les musiques mémorables bien que trop peu nombreuses
Les points négatifs
Graphiquement à la ramasse
Une caméra capricieuse, notamment lors de certains combats en milieux resserrés
Des ralentissements sont à déplorer
On perd souvent le fil au cours de l’aventure et on peine à s’attacher aux protagonistes
Un scénario complexe qui peine à démarrer
Pas de traduction française, l’intégralité des textes étant dans un anglais assez soutenu