Cela fait bien vingt ans que les fans le réclamait à cor et à cri, Capcom les a finalement exaucés en sortant en compilation les deux aventures, encore jamais traduites en français, mettant en scène Miles Edgeworth alias Benjamin Hunter, procureur, ami et éternel rival de Phoenix Wright. C’est donc le 6 septembre 2024 qu’est sorti Ace Attorney Investigations Collection sur PC, PS4, Xbox One et Nintendo Switch. Mais cette compilation, loin d’être une simple transposition des titres sortis à l’époque sur DS, nous réserve quelques petites surprises.
Ce test a été réalisé sur une version PS5 via une clé PS4 fournie par l’Éditeur.
Enquête d’identité
C’est en 2001 sur Game Boy Advance que les joueurs japonais ont pu voir arriver un jeu un peu spécial, mêlant visual novel, phase d’enquêtes et combats au tribunal dans la peau d’un avocat de la défense nommé Phoenix Wright. Phoenix Wright: Ace Attorney n’arrivera cependant qu’en 2006 en occident sur Nintendo DS, mais le succès critique et commercial sera là, poussant les créateurs à proposer des suites sous la forme de deux trilogies, l’une mettant en scène Phoenix Wright et la suivante son élève Apollo Justice. Au cours des différentes affaires qu’ils auront à traiter, les avocats de la défense se retrouveront confrontés à des procureurs tous plus haut en couleur les uns que les autres, mais aucun ne marquera autant la série que Benjamin Hunter (Miles Edgeworth en VO), ami d’enfance, rival et parfois opposant de Phoenix.
Il était donc naturel qu’un spin-off, intitulé Ace Attorney Investigations, lui soit consacré. Malheureusement, à ce jour, seul Ace Attorney Investigations: Miles Edgeworth, sorti en 2009 sur Nintendo DS, est arrivé en occident, et encore uniquement dans la langue de Shakespeare. Le deuxième épisode, Ace Attorney Investigations 2: Prosecutor’s Gambit, sorti en février 2011, n’a quant à lui jamais dépassé les frontières du Japon. Avec les sorties en compilations des deux premières trilogies Phoenix Wright: Ace Attorney Trilogy et Apollo Justice : Ace Attorney Trilogy, désormais disponibles intégralement en français, Capcom avait ravivé l’espoir des fans de la licence de voir arriver sur nos consoles les enquêtes de Hunter.
C’est à présent chose faite avec Ace Attorney Investigations Collection qui regroupe les deux épisodes qui ont pour héros le procureur, avec un habillage HD et quelques petits ajouts et surtout une traduction intégrale en français. Avant de crier “Eurêka !”, nous avons hurlé “Halleluia !”.
Des routes et procès durs
Il est bien évident que l’éditeur ne pouvait nous proposer une simple compilation des titres Ace Attorney Investigations sans aucun ajout supplémentaire et il faut bien dire que ces derniers apportent une touche de confort bienvenue qui rend ces deux épisodes absolument parfaits. Commençons par le plus évident, le passage en HD des graphismes. Comme pour tout titre de la franchise, les artworks sont sublimes, mais le passage en HD des phases d’enquête où l’on incarne Benjamin permet de magnifier encore davantage l’exploration. Cela étant, si vous le souhaitez, il sera possible de reprendre les pixels arts originaux, mais uniquement via le menu de démarrage, ce qui peut s’avérer un peu fastidieux pour les comparaisons.
Cependant, ces derniers ne sont pas vraiment du plus bel effet sur un grand écran qui plus est HD et il serait dommage de se priver de l’excellent travail de mise à niveau des graphistes. À cela viennent s’ajouter plusieurs autres options de confort, non présentes dans les jeux originaux, tels que la possibilité de choisir directement l’ordre des chapitres dans lesquels vous voulez effectuer les enquêtes, et ce, dès votre première partie. Il est évident que pour une première fois, nous vous déconseillons de faire les chapitres dans le désordre, car si chaque intrigue est indépendante l’une de l’autre, le tout forme cependant un ensemble connecté et cohérent, introduisant les informations et les personnages de façon à révéler toute la vérité dans l’ultime chapitre du titre. C’était déjà le cas dans les trilogies précédentes et les spin-offs ne font pas exception à la règle.
Par ailleurs, une fonction historique est disponible et vous permettra de relire les derniers dialogues, sous forme de script, par appui simple appui sur la touche carré de votre manette. Une fonction assez utile si, comme moi, vous avez une légère tendance aux mauvaises manipulations. Enfin, pour profiter de l’excellent scénario des Ace Attorney Investigations sans jamais vous remuer les méninges, sachez qu’il est possible de passer à la volée en mode “Histoire”. À ce moment-là, votre partie passera en mode automatique, sélectionnant les bonnes réponses et les indices adéquats. De quoi profiter du titre en le regardant comme une série, mais soyons honnêtes, où serait le plaisir là-dedans ?
Toutefois, la possibilité de passer d’un mode à l’autre à la volée pourra vous éviter de rester coincé trop longtemps sur une action à mener, mais attention, dans ce cas, certaines distinctions vous deviendront inaccessibles et pour une complétude de 100 % vous ne pourrez utiliser cette option. Notons également la présence d’une option bien plus anecdotique, qui utilisera en jeux 5 morceaux réorchestrés au lieu de ceux de la bande son originelle. Ce nombre se porte à 10 morceaux si vous bénéficiez du bonus de précommande et est évidemment désactivable à tout moment.
Ace Attorney Investigations : Benjamin Hunter
Voyons désormais un peu plus précisément ce qui nous attend dans chacun des titres proposés dans la compilation en commençant par Ace Attorney Investigations: Benjamin Hunter. Nous y incarnons donc le froid et calculateur procureur, ancien disciple de Manfred Von Karma, juste après la conclusion du premier Ace Attorney. S’étant rendu compte que la vision de la justice de son mentor, ainsi que son éthique, n’était pas aussi parfaite que celui-ci voulait bien le faire croire, Benjamin quitte le pays dans le but d’effectuer une remise en question salutaire quant à son propre rapport à la vérité et à son travail en tant que procureur. C’est à son retour que commence l’aventure, alors qu’il découvre, à peine sorti de l’avion, qu’un meurtre a été commis dans son bureau.
Il n’en faut pas plus pour que le génial procureur se relance à l’assaut de la vérité avec un seul objectif : prouver que sa nouvelle vision professionnelle est la bonne. Et dès le départ, le gameplay s’émancipe de ses aînés en nous permettant de déplacer Hunter dans les décors afin de rechercher des indices. Exit donc les décors fixes et exempts de tout personnage et il est même possible d’interagir avec les personnes présentes sur la scène. De quoi se régaler à observer les mimiques de notre héros et de ceux qui l’entourent, même si les scènes de dialogues importants restent en plans fixes.
Si les contradictions sont toujours à trouver dans les témoignages, les preuves à présenter au bon moment pour confondre un témoin, toute l’action se déroule néanmoins en amont du procès, durant la phase d’enquête nécessaire pour inculper un suspect, et Benji ne se confrontera donc jamais aux avocats de la défense. Il s’agit donc ici de déterminer un coupable, preuves à l’appui, et pour cela le procureur s’appuiera sur sa logique, qui en combinant deux éléments ayant un rapport arrive à en tirer soit une conclusion, soit un nouvel indice. Les indices sont toujours examinables d’ailleurs et certains auront quelques secrets à vous révéler pour peu que vous les observiez avec soin. C’est donc en flanqué de son fidèle partenaire, le maladroit, mais zélé inspecteur Dick Tektiv et de la jeune et enthousiaste Cléa Faradet que Hunter va se retrouver au sein d’affaires impliquant un voleur légendaire : le Yatagarasu.
Heureusement, à l’instar de Phoenix avec son magatama, d’Apollo avec son bracelet ou d’Athéna avec son Lunatrix, Le procureur pourra compter sur le Mini-faussaire de sa compagne, un appareil capable de reconstituer en 3D les scènes de crimes ainsi que les actions des intervenants. De quoi prouver en temps réel si une théorie fonctionne ou pas. Une fois que les conditions sont remplies et que tous les indices ou déductions ont été prouvées, le scénario va avancer pour nous emmener toujours plus loin dans l’intrigue, qui, comme nous le disions plus tôt suit un schéma parfaitement logique, chaque affaire étant liée aux autres, même si ce n’est pas toujours d’une évidence biblique.
Ace Attorney Investigations 2 : Le pari du procureur
En ce qui concerne Ace Attorney Investigations 2 : Le pari du procureur, il s’agit plus ou moins de la même formule que dans le premier opus. Le titre prend place deux semaines après la fin des événements du premier épisode et on retrouve Hunter alors que ce dernier est appelé en urgence sur les lieux d’un attentat contre le président d’un pays ami en visite officielle. L’attaque ayant causé la mort de l’un des gardes du corps, notre ami est amené à enquêter et retrouve pour l’occasion sa partenaire Cléa Faradet présente lors du discours. Il ignore encore que cette investigation va le pousser à se confronter au conseil des procureurs qui visiblement souhaite le voir hors-jeu.
Privé de son badge de procureur, il va donc devenir avocat le temps de faire toute la lumière sur les raisons de sa destitution. Mais choisira-t-il de redevenir procureur ou se lancera-t-il sur les traces de son père en devenant avocat ? La réponse nous attend au bout du chemin (même si pour ceux ayant déjà fait les autres titres de la saga, celle-ci est d’ores et déjà connue). Nous retrouvons donc ici tous les éléments du premier Investigations, avec en prime une nouvelle mécanique de gameplay, je veux bien sûr parler de l’échiquier mental. Cette phase est primordiale pour arracher des éléments à un témoin peu coopératif par un choix de réponse et de réaction appropriés, le tout dans un temps limité.
Ainsi, vous devrez alterner entre attaques verbales et moments de silence en fonction des réactions de vos adversaires, afin de leur asséner un coup qui va les obliger à vous livrer la vérité. Cependant, il n’est pas toujours évident de décrypter les mimiques de vos interlocuteurs, ni de savoir par quoi commencer, surtout que le temps file assez vite, chaque mauvais choix impactant le temps restant de façon significative. Il est donc nécessaire de bien observer la personne nous faisant face et de n’attaquer que quand cette dernière n’est pas sur la défensive, mais certains signes sont assez subtils et il vous faudra peut-être quelques game over avant de trouver celui qu’il vous faut traquer dans la discussion.
De quoi amener une tension supplémentaire dans le processus, qui est par ailleurs parfaitement rodé, les deux titres étant un savant mélange de recherche, de déductions et de preuves, le tout comme toujours parsemé de références aux anciens épisodes et d’un humour omniprésent, dont les jeux de mots adaptés à la localisation font toujours mouche.
Procureur par procuration
Comme vous le savez depuis un moment maintenant, les enquêtes, c’est ma grande passion, et ce qu’il s’agisse d’arrêter un tueur en série à la tête d’une alliance de détective dans Process of Elimination, de prouver son innocence au sein d’un parc aux attractions mortelles dans Yurukill: The Calumniation Games ou encore de déjouer les plans de Moriarty dans une simulation comme dans Crimesight. Même si dans ce dernier cas, le jeu s’est révélé bien plus malin que moi, malgré une adhésion totale de ma part à sa proposition. Mais passons, En ce qui concerne la saga des Ace Attorney, je vous ai déjà évoqué mon attirance pour celle-ci lors de mon test assez récent d’Apollo Justice : Ace Attorney Trilogy et j’avoue sans mal faire partie de ces joueurs qui réclamaient ardemment une localisation des aventures de Benjamin Hunter.
En effet, outre la légère ressemblance du procureur avec un autre héros de chez Capcom, demi démon de son état et dont le nom commence par un D, et qui n’est pas étrangère à mon attirance pour le personnage, sa remise en question concernant son rapport à la justice et à la vérité le rend pour le coup bien plus intéressant et profond que ce cher Phoenix. Le fantôme de ce dernier est d’ailleurs omniprésent et souvent invoqué, sans jamais que son nom ne soit prononcé. C’est l’un de mes petits regrets, que Phoenix ne vienne pas faire un petit coucou à son rival, quand lui apparaît fréquemment dans les affaires de son ami d’enfance.
Après avoir joué au deux trilogies Ace Attorney mettant en scène Phoenix et Apollo, force est de constater que le peu de différence de gameplay entre les divers épisodes avaient fini par ternir mon enthousiasme pour la franchise. Pour autant, la qualité des intrigues, l’humour et le casting déjanté ont toujours suffi à me faire applaudir des deux mains l’arrivée d’un nouvel arc. Toutefois, la proposition un peu différente proposée par Ace Attorney Investigations, tout en conservant les éléments qui me plaisent tant dans la licence, m’a apporté une bulle de fraîcheur plus que bienvenue.
Entre l’exploration et les nouvelles mécaniques de gameplay mises en place, sans compter la profondeur que prend, par voie de fait, le personnage de Benjamin Hunter, Capcom nous livre ici la compilation ultime de ce que je considère désormais comme les deux meilleurs chapitres de la saga Ace Attorney. Une trentaine d’heures de jeux (un peu plus suivant votre propension à trouver la solution) menées tambour battant sans jamais aucun temps mort et en restant passionnant du début à la fin. Un sans-faute qui ne souffre aucune “Objection”, ça, c’est certain !
Ace Attorney Investigations Collection se pose directement comme la compilation ultime pour profiter au mieux des aventures de ce cher Benjamin Hunter. En pleine remise en question, ce dernier va se confronter au changement de ses croyances tout en menant des enquêtes dans lesquelles vont se croiser des personnages déjà bien connus de la licence. Si l’avocat de la défense est aux abonnés absents, ce n’est pas le cas de l’humour et des intrigues passionnantes qui ont fait le succès de la série. Avec en plus l’ajout des associations logiques, de l’échiquier mental et des fonctionnalités du Mini-faussaire, sans compter la possibilité de contrôler Hunter lors de ses déplacements dans les décors, Capcom sublime ce qui se pose comme les deux meilleurs opus de la franchise à mon sens, ce qui n’est pas peu dire, vous pouvez me croire !
La note de la rédaction
Les notes de la rédaction
Les points positifs
Des enquêtes toujours aussi passionnantes
Un lissage HD et les ajouts de confort qui rendent l’expérience encore plus plaisante
Les nouvelles mécaniques de gameplay (logique, échiquier mental) qui changent de la formule classique des Ace Attorney
L’humour et les références aux autres épisodes qui rendent l’univers cohérent et font plaisir aux fans
Les points négatifs
Si je devais en trouver un, ce serait l’absence d’apparitions de notre avocat de la défense au costume bleu