Après les remakes très attendus de Persona 3 Reload et Shin Megami Tensei V : Vengeance, c’est Metaphor : ReFantazio qui vient de pointer le bout de son nez pour continuer sur une année 2024 très riche en termes d’excellents jeux. Sorti le 11 octobre 2024 sur PC, PS4, PS5 et Xbox Series, ce nouveau titre nous dépeint un tout nouvel univers gangréné par des inégalités tribales, tout en reprenant ce qui fait le sel de la licence Persona depuis de longues années maintenant. Ce n’est d’ailleurs pas une surprise, puisque le trio à l’origine du renouveau et du succès désormais mondial de la série phare du studio (et ce depuis le troisième opus), Shoji Meguro (compositeur), Katsura Hashino (Director) et Shigenori Soejima (Directeur artistique) est de retour aux commandes sur la dernière production d’Atlus. Malgré des trailers alléchants et une communication bien rodée, une légère inquiétude était de mise quant à la réelle originalité de Metaphor par rapport aux illustres aînés dont il s’inspire allègrement. L’héritier s’est-il avéré à la hauteur du monarque précédent ? Nous avons participé au Tournoi du trône pour répondre à cette question.
Ce test a été réalisé sur une version PC fournie par l’Éditeur.
Ripou et Fantazio
Metaphor : ReFantazio prend place sur la terre d’Euchronie où se côtoient huit tribus différentes. Les inégalités sociales sont monnaies courantes suivant votre appartenance à tel ou tel groupe ethnique, les classes dirigeantes étant formées principalement par des membres issus des Rhoags, des Clemars et des Lusants, les plus discriminés étant les Mustaris, les Paripus et les Eldas, peuple maudit dont le héros est natif. Ce pays où règne en maître la foi sanctiste et où des monstres nommés Humains font des ravages parmi la population, possède une énergie magique nommée Magla, permettant aux détenteurs de catalyseurs d’utiliser la magie.
C’est dans ce contexte que le roi Hythlodaeus V est assassiné dans son lit par Louis Guiabern, général de l’armée royale, laissant le peuple désemparé, sans héritier direct au trône, à la merci des affrontements larvés entre les soutiens de Louis et ceux du sanctifex Forden. Mais ce que tous ignorent, sauf une petite poignée de personnes, c’est que le prince héritier, déclaré mort depuis de nombreuses années, est en vie, bien qu’affublé d’une malédiction qui, à terme, le condamne. Afin de le sauver, notre héros Elda (que vous devrez nommer au début de la partie, moi, je l’ai nommé Ellarion et je vais utiliser cette dénomination pour plus de clarté) se rend à la capitale Grand Trad avec sa complice féérique Gallica.
Dans le but de rencontrer leur contact, Ellarion s’engage comme jeune recrue et fait la connaissance de Leon Strohl da Haliaetus, un jeune noble Clemar, déchu après la destruction de ses terres par un Humain. Mais arrivés à leur lieu d’affectation, les jeunes soldats sont envoyés au front face à un Humain. Le massacre est total ! Strohl et Ellarion se retrouvent à faire face, isolés, au monstre surpuissant. C’est alors que le jeune Elda, au pic de la peur et de l’angoisse, se découvre une nouvelle force issue de ces sentiments, l’Archétype de l’explorateur, lui permettant d’utiliser la magie sans catalyseur et de vaincre l’ennemi. Une fois l’affrontement terminé, ils sont rejoints par leur contact, un vieux soldat Rhoag nommé Grius, qui leur annonce sa volonté de tuer Louis lors des funérailles royales afin de délivrer le prince de la malédiction lancée par ce dernier.
Rallié par Strohl dans leur combat, le quatuor retourne à la capitale pour mettre au point son plan. Cependant, le jour J rien ne se passe comme prévu, la magie du roi défunt lui permettant de s’adresser à la foule médusée pour annoncer que celui à qui reviendra le trône sera celui qui aura le plus de soutiens de la part du peuple, laissant pour cela plusieurs mois aux aspirants pour faire leur preuve. Désormais protégé par la magie royale, du fait de ses nombreux adeptes par le pays, Louis échappe à l’assaut de Grius qui est alors froidement exécuté. Ellarion, Gallica et Strohl vont devoir revoir leur tactique pour délivrer le prince de la malédiction, d’autant que l’Église vient de décider la tenue d’un tournoi pour permettre à tous de faire ses preuves dans trois défis aussi spectaculaires que mortels.
Le temps étant compté, la troupe, augmentée par Hulkenberg, un ancien chevalier Roussainte de la garde du prince, décide de s’inscrire sous la bannière d’Ellarion. Mais un Elda, venant d’un clan honni par tous, va-t-il pouvoir tirer son épingle du jeu ? Bien que ce synopsis soit fort long, je n’ai décrit ici que les prémices du jeu et je laisse le reste à votre découverte tant il serait dommage que vous n’expérimentiez pas par vous-même le voyage proposé ici.
Fantasmagorie et Metaphor
Vous l’aurez peut-être compris, mais Euchronie est un univers fantastique, miroir d’une société moyenâgeuse sous la domination d’une monarchie et d’une religion puissante, facteurs d’inégalités. D’ailleurs, notre réalité y est présente sous la forme d’un roman utopiste lu par le héros et dont le modèle égalitaire et républicain enthousiasme ceux qui en parcourent les pages. C’est l’une des principales différences avec la série Persona qui, bien que traitant de sujet lourd comme le décès, le harcèlement et autres, les héros n’en restent pas moins des lycéens et les sujets abordés en sont forcément impactés. Ici tout le casting principal est constitué d’adultes avec un vécu tenant parfois du fardeau et c’est à travers leurs yeux et leurs expériences que nous découvrons ce pays où la loi du plus fort est souvent de mise et où les plus faibles ne voient bien souvent aucune solution, ni aide, à leur misère.
La direction artistique, superbe au demeurant, l’a bien compris et mise sur une palette de couleur assez terne sauf quand notre Elda se rend auprès de More à Akademeia (l’équivalent de la Velvet Room), sorte de monde parallèle où est enfermé le chercheur d’Archétypes, et où les couleurs sont plus chatoyantes. Chaque recoin d’Euchronie possède sa propre identité visuelle et aucun donjon ne ressemble à un autre. C’est donc un réel plaisir de se rendre d’un point à l’autre du territoire à bord de son arpenteur pour aider la population en combattant un monstre, voire en allant chercher des ingrédients et autres artefacts. En effet, si votre mission royale reste prioritaire, votre objectif de sécuriser le trône pour le retour du prince l’est tout autant et vous demandera d’aider votre prochain pour faire monter votre cote de popularité.
Mais attention, les jours défilent et vous ne pourrez effectuer que deux tâches conséquentes par jour (je ne parle pas d’aller faire les boutiques bien évidemment), ces activités se réduisant à une tâche si vous décidez d’explorer dans un donjon. Il vous faudra donc faire des choix dans la gestion de votre planning, d’autant qu’en parallèle des quêtes annexes, qui sont intéressantes en termes de récompense et de montée de niveaux, vous devrez également augmenter votre lien avec vos alliés afin de débloquer de nouveaux Archétypes et des effets passifs parfois bien pratique pour la suite de votre aventure. Il ne faudra bien sûr pas oublier de cultiver vos vertus personnelles, que ce soit le courage, la tolérance, la sagesse, l’imaginaire et l’éloquence, ce qui vous demandera pareillement d’y passer un certain nombre d’heures.
L’exploration est donc de mise, mais ce qui aurait pu très vite devenir redondant ne le devient jamais et permet une immersion et un attachement maximal à chacun des membres de notre petite troupe hétéroclite. C’est par ailleurs un moyen pour les créateurs de Metaphor de développer intelligemment leur lore de façon subtile, sans submerger le joueur d’une trop grosse masse d’informations. Bien entendu, la musique est un élément central de ce magnifique tableau qui sait se faire épique ou bien plus mélancolique dans le but de servir au mieux la narration du récit. Le régal est total, d’autant que les cinématiques sous forme d’animé sont toujours aussi abouties et viennent apporter une dimension supplémentaire à l’ensemble.
Like a Bosch
D’ailleurs quand je parle de tableau, ce n’est pas anodin, puisque au-delà d’effets habillant les images et qui font fortement penser à des coups de pinceau, Metaphor : ReFantazio possède un bestiaire pour le moins original. Contrairement à la saga Shin Megami Tensei et ses spin-offs qui partageaient peu ou prou les mêmes monstres, pour son nouveau titre Atlus a misé sur des adversaires bien plus variés s’inspirant des créatures classiques dans les histoires de fantaisie comme les manticores, les kobolds ou les chimères, mais également du triptyque Le Jardin des délices de Jérôme Bosch.
Un choix intrigant de la part des créateurs quand on sait que le peintre, contemporain d’un moment charnière entre la fin du Moyen Âge et le début de la Renaissance a capturé, avec un réalisme minutieux et une iconographie absurde, les inquiétudes et les questionnements sur la moralité humaine qui résonnent encore aujourd’hui. Or, l’angoisse et la peur sont, dans Metaphor, le moteur des Archétypes et le moyen le plus efficace de s’en affranchir pour pouvoir changer son destin. Nous sommes ici en présence d’un RPG au tour par tour où le joueur pourra soit contrôler tous ses alliés en présence (4 au maximum), soit les laisser libres de leurs attaques, voir de leur donner des ordres.
Une mécanique qui ne surprendra pas ceux ayant déjà expérimenté un Persona. De même, il s’agit là encore d’exploiter les faiblesses des assaillants afin de remporter la victoire. Du grand classique, mais qui fonctionne toujours aussi bien. Petite nouveauté, les attaques en symbiose dépendant des Archétypes présents sur le champ de batailles. L’utilisation de ces dernières peut permettre de renverser une bataille, mais attention, elles consomment deux tours au lieu d’un. Chaque combattant disposera donc d’un arbre de compétence et pourra développer n’importe quel Archétype choisi, sachant que l’héritage de compétence permettra de donner accès à n’importe quelle attaque déjà apprise moyennant une certaine quantité de Magla. Les stratégies se révèleront donc nombreuses et variées pour en sortir vainqueur, les possibilités de métissage entre les différents Archétypes et les attaques disponibles étant légion.
Inspiré de The Legend of Heroes : Trails through Daybreak, il est aussi désormais possible, dans les donjons, d’attaquer directement un ennemi en mode action-RPG, soit pour l’étourdir et commencer le combat avec un net avantage, soit pour le terrasser directement si celui-ci est trop faible. De quoi donner encore plus de rythme et de nervosité aux explorations. Cela étant, croire que le challenge est absent serait une grosse erreur, puisque même en mode normal, certains adversaires risquent de vous donner du fil à retordre. Toutefois, quelques niveaux gagnés et liens développés devraient vous permettre de vous en sortir.
Metaphor-mule magique
On le savait, le studio Atlus est un spécialiste en ce qui concerne la narration de ces histoires qui ont bien souvent un niveau de profondeur abyssal, j’en veux pour preuve les scenarii de Persona 5, Persona 4 et Persona 3 qui sont, à mon sens, des masterclass. Pour autant, Metaphor : ReFantazio s’avère bien plus politique que ces prédécesseurs qui traitaient de problématiques qui, bien que modernes, n’abordaient que peu les problèmes de gouvernances, ceux-ci étant très loin des préoccupations des héros. Si un petit pas avait été fait en ce sens dans Persona 5 Tactica, via le personnage de Toshiro, on restait cependant très loin de la critique géopolitique que nous propose Metaphor.
Si je suis une grande fan de ce que fait Atlus, je ne suis pas pour autant une inconditionnelle aveuglée du studio, puisqu’il m’est arrivé de passer à côté de certains de leurs titres (rappelez-vous de ma critique de Soul Hackers 2). Je dois avouer qu’avec ce nouveau titre, je craignais un peu que les thématiques gouvernementales finissent par me sortir du jeu, tant ces dernières ne trouvent généralement que peu d’échos en moi (j’ai fini par abandonner Game of thrones pour ces mêmes raisons, malgré son univers que j’appréciais énormément).
Il est évident, au vu de ce qui précède, que ma crainte était totalement injustifiée puisque je me suis d’emblée retrouvée immergée dans l’univers de Metaphor reprenant assez d’éléments des Persona pour me permettre d’y être tout de suite à l’aise, tout en revendiquant sa propre personnalité, à même de titiller mon envie d’en savoir toujours plus sur le monde d’Euchronie. Rien que ce nom, Euchronie, porte en lui toute une symbolique qui a suffi à ouvrir grand les vannes de l’adepte des références qui sommeille en moi, et en cela, je n’ai pas été déçue. Entre les références au peintre Jérôme Bosch, et les divers petits détails dispersés dans le jeu par les concepteurs, qui revêtent une signification bien réelle sur la vision de ces derniers, j’étais aux anges.
Je me suis amusée au cours de ma quête à émettre diverses théories sur l’emploi de tel ou tel nom ou éléments, mais comme ce n’est pas le but de ce test, je garderais ces dernières pour moi. En tout état de cause, ma seule et unique frustration durant mon voyage a été (et ce fut le cas dans tous les Persona que j’ai explorés) le temps qui passe inexorablement, forçant à faire des choix cornéliens entre développer ses vertus ou les liens avec ses partenaires. À l’épilogue du titre, on est toujours un peu déçu de ne pas avoir pu plus développer telle ou telle chose.
Bien qu’il s’agisse juste de relancer une nouvelle partie pour contrer ce sentiment, le temps considérable de l’épopée (environs 80 heures et bien plus si vous souhaitez tout débloquer), freine pour s’y relancer de suite, d’autant que la charge émotionnelle très importante de Metaphor : ReFantazio impliquera un temps de décompression avant d’être prêt à revivre les évènements faisant suite à l’assassinat du roi. Toutefois, il s’agit d’un jeu qui mérite d’être refait plusieurs fois afin de bien en apprécier toutes les subtilités, qu’elles soient dans le gameplay ou dans la narration.
Un signe qui ne trompe pas, je n’ai quitté aucun donjon sans en avoir vaincu tous les ennemis au moins une fois et sans en avoir ratissé la moindre récompense, le tout sans jamais ressentir d’impatience ou le moindre ennui le long des couloirs tortueux. Un exploit qui mérite d’être souligné et qui confirme, sans l’ombre d’un doute, le statut de très grand jeu de Metaphor : ReFantazio.
Avec Metaphor : ReFantazio, Atlus et Studio Zero nous livrent ici une partition que l’on pourrait sans mal qualifier de chef-d’œuvre que ce soit dans son intrigue, profonde et complexe (sans pour autant en devenir cryptique), son gameplay avec la possibilité d’alterner combat au tour par tour et en temps réel ou encore son casting avec des protagonistes profondément humains avec leur vécu parfois lourd à porter. Si on y retrouve beaucoup d’éléments bien connus des adorateurs de la saga Persona (les Archétypes remplaçant les Persona, les liens à développer entre les personnages, les donjons à explorer et j’en passe), le titre d’Atlus se démarque de ses aïeuls par son univers et ses thématiques bien plus géopolitiques. Il affine d’un certain côté son modèle pour en arriver à une production plus mâture dans tous ses aspects, sans réels défauts, qui ravira tous les joueurs adhérant à la proposition, cela ne fait aucun doute !
La note de la rédaction
Les notes de la rédaction
Les points positifs
La direction artistique, les cinématiques et les artworks du jeu sont fabuleux
Un bestiaire inspiré et un casting charismatique en diable
Des mécaniques de combats boostés grâce aux différents Archétypes disponibles
La possibilité de passer certains affrontements en mode Action-RPG pour une exploration encore plus nerveuse
Une musique somptueuse qui renforce à tout moment l’action et les moments d’émotions
Une intrigue passionnante et des destins qu’il est inenvisageable de ne pas suivre jusqu’à la fin
Les points négatifs
Vous me pardonnerez cette métaphore, mais je lui cherche encore un défaut, comme on cherche une imperfection dans un diamant