Le 14 septembre 1995, Clock Tower débarque sur Super Famicom (l’équivalent japonais de la Super Nintendo), un jeu à l’atmosphère horrifique développé par Human Entertainment. L’éditeur WayForward (en collaboration avec Sunsoft, Capcom et Limited Run Games) nous propose de redécouvrir ce classique avec un portage sous-titré Rewind. L’occasion de se mettre à nouveau dans les souliers de Jennifer Simpson, une jeune fille traquée par un personnage inquiétant nommé Bobby, armé de ciseaux géants. Inspiré du film Phenomena (1985) de Dario Argento, ce titre parvenait à générer une tension intense, quelques mois avant le choc que représentera la sortie de Resident Evil sur PlayStation. Prenant fin en 2001 avec Clock Tower 3 sur PlayStation 2, la licence se rappelle donc à notre bon souvenir à travers son épisode fondateur.
Ce test a été réalisé sur une version PS5 fournie par l’Éditeur.
Bobby aux mains d’argent
L’histoire place le joueur dans la peau de Jennifer Simpson, une jeune fille résidant au sein d’un orphelinat, située à Romsdalen, en Norvège (et dont le design s’inspire du personnage de Jennifer Connelly dans Phenomena). En septembre 1995, Jennifer et trois autres pensionnaires, Laura, Anne, et Lotte, sont adoptées par Simon Barrows, un riche reclus vivant dans un immense domaine appelé Clock Tower, en raison de sa tour d’horloge proéminente. Ce bâtiment imposant, isolé dans une région montagneuse, suscite immédiatement une impression de mystère, voire de danger.
L’introduction du jeu, qui expose ces éléments, était particulièrement marquante pour l’époque, avec ses images fixes très cinématographiques. Bien que réalisées avec des moyens techniques limités, ces visuels parvenaient à nous plonger immédiatement dans l’ambiance. Peu après l’arrivée des filles dans le manoir, Mary, la femme qui les a accompagnées, part à la recherche de monsieur Barrows, bizarrement absent. Mary ne revenant pas après de longues minutes, Jennifer part à sa recherche. En quittant la pièce, elle entend soudainement un cri perçant venant du hall principal. De retour dans la pièce, la jeune orpheline constate que les lumières du manoir sont éteintes et que les autres filles ont disparu.
La situation devient de plus en plus inquiétante lorsqu’elle découvre que l’une des filles a été assassinée. Notre héroïne devient alors la cible de Bobby, un petit bonhomme aux traits déformés, armé d’une gigantesque paire de ciseaux, connu également sous le nom de Scissorman. Le manoir, avec ses nombreuses pièces et couloirs sombres, se transforme alors en un véritable labyrinthe de terreur où Jennifer doit explorer chaque recoin pour trouver une issue, tout en évitant le tueur impitoyable qui la poursuit. Chaque choix, qu’il s’agisse d’explorer une nouvelle pièce, de prendre un objet, ou de se cacher, influence le cours de l’histoire, menant à différentes fins possibles.
Pointer, cliquer… et crever !
L’horreur interactive a toujours le vent en poupe, et ce n’est pas pour nous déplaire, bien au contraire. Après le remarquable remake de Silent Hill 2 et le retour réussi de Until Dawn, l’actualité nous plonge à nouveau dans une expérience censée nous glacer le sang. Toutefois, cette fois-ci, il ne faut pas espérer profiter de toutes les avancées modernes en matière de maniabilité. Mais avant tout chose, rappelons que Clock Tower est un jeu d’aventure en point-and-click, en vue de profil, avec des graphismes en 2D assez soignés. Le pixelart est effectivement de haute tenue avec des salles distillant une atmosphère toujours efficace.
Le joueur contrôle donc cette pauvre Jennifer, principalement via un curseur pour explorer, interagir, se cacher ou ouvrir des portes. Jennifer peut marcher ou courir, mais courir consomme son endurance, qui se restaure lorsqu’elle se repose. Son portrait (situé en bas à gauche de l’écran) reflète son niveau d’endurance en temps réel, avec un code couleur bien défini. Jennifer doit également collecter divers objets pour progresser et continuer de survivre dans la sombre bâtisse. Plus concrètement, les boutons de tranche permettent à Jennifer de se déplacer vers la gauche ou la droite. Avec la croix directionnelle (flèches) ou le stick gauche, vous déplacez le curseur, qui change lorsqu’il survole un élément interactif. Le bouton “Triangle” ou « Y » (selon si vous jouez avec une manette PlayStation ou Xbox) permet de stopper Jennifer lorsqu’elle est en train de marcher ou de courir.
Pour interagir avec les objets, on utilise le bouton “Carré” ou « X » en plaçant d’abord le curseur sur l’élément souhaité. Le bouton “Rond” ou « B » sert à ouvrir l’inventaire et le bouton “Croix” ou « A » est le bouton de « panique » : lorsque Jennifer est en danger, appuyer frénétiquement sur ce bouton l’aidera éventuellement à se libérer d’une attaque. Une action qui consomme beaucoup d’endurance et qui ne doit être utilisée qu’en dernier recours ! Quant au principal antagoniste, Bobby alias Scissorman, il traque Jennifer sans relâche dans le manoir. Lorsqu’il fait irruption, le joueur doit trouver un moyen de semer le sinistre personnage, ou de le bloquer, avant de pouvoir à nouveau explorer les environs sereinement.
Durant ces phases de persécution, il convient de se montrer inventif : trouver des cachettes et d’autres filouteries pour échapper à Scissorman. Parfois, il est possible de l’assommer momentanément à l’aide d’objets ou de certains éléments du décor (ce qui fait toujours son petit effet). Signalons aussi que le jeu propose neuf fins différentes, basées sur les choix et actions du joueur, ce qui enrichit la rejouabilité.
Prendre ses cliques et ses Clock
Le premier Clock Tower conserve aujourd’hui une belle aura, et ce n’est pas sans raison : ceux qui ont vécu cette aventure en 1995 (en import, naturellement) en gardent généralement un souvenir marquant. Malheureusement, cette réédition s’avère si fainéante qu’elle semble témoigner d’un manque d’effort flagrant. Car à côté du jeu original, il y a donc ce fameux mode “Retour”, censé nous offrir une expérience plus confortable. Et le compte n’y est pas. Le seul ajout vraiment notable est une fonction de « rewind » (trop limitée en termes de durée par ailleurs), un rembobinage de l’action qui donne son nom à cette réédition, et la possibilité de sauvegarder à tout moment.
On trouve aussi les ajouts du portage PlayStation de 1997 (sous-titré The First Fear), une version qui tirait parti des capacités de la 32 bits de Sony, offrant des sons améliorés et des scènes additionnelles. Pour le reste, le jeu est resté inchangé, fidèle à ses versions de 1995 et de 1997. Certains le verront comme un hommage sans concession au matériau d’origine, mais cela met également en lumière toutes les limites de jouabilité de l’époque. En 1995, le concept était assez novateur pour qu’on ferme les yeux sur ses défauts. Déplacer le curseur avec une manette était loin d’être intuitif. Aujourd’hui, cela reste extrêmement laborieux : cibler un élément interactif précis alors qu’on est poursuivi par Bobby est un véritable défi. Le gameplay repose largement sur un cycle répétitif de mort et de recommencement, un aspect de « die & retry » qui pourrait ne pas plaire à tout le monde.
Les déplacements sont toujours très lents (même si en courant, c’est un poil mieux), et les allers et retours sont extrêmement nombreux. Certains classiques de l’ère 8 et 16 bits ont pourtant su rester tout à fait jouables, comme nous avons pu le constater récemment avec la réédition de Parasol Stars. D’autres se sont refait une belle robe en pixelart, sublimant le titre original, mais sans le dénaturer, à l’instar de Pocky & Rocky Reshrined. Malheureusement, Clock Tower : Rewind ne coche aucune de ces cases. Ironiquement, les quelques ajouts parviennent à rendre l’expérience encore plus frustrante. Comme la surcouche visuelle qui apparaît lors des moments clés, par exemple, et qui nous signale qu’un visuel a été débloqué dans les bonus… sans figer l’action en cours ! De quoi se payer des Game Over de façon assez injuste (cela m’est arrivé).
Ce “détail” rend des situations déjà chaotiques encore plus confuses, augmentant ainsi la difficulté de manière totalement stupide. Certes, nous avons maintenant des textes en français, des séquences animées plutôt correctes, des documents d’époque, une démo commerciale japonaise jouable, des chansons interprétées par Mary McGlynn (saga Silent Hill) et Emi Evans (NieR), un lecteur de musique, un filtre “effet cathodique”, ainsi qu’un entretien avec Hifumi Kono qui nous éclaire sur les coulisses de sa création (interview sous-titré en anglais seulement, malheureusement). Tout ceci est effectivement réjouissant, et avoir ce premier Clock Tower facilement accessible avec tous ces bonus est indéniablement une bonne chose pour le patrimoine vidéoludique, ainsi que pour tous les passionnés. Mais en termes de gameplay pur, d’expérience ludique, on frôle la purge. À tel point que le tout premier Resident Evil et ses fameux contrôles “tank” dispense une belle souplesse de mouvements en comparaison.
Ce qui est vraiment rageant, c’est qu’avec un peu plus de soin et d’options de confort, à activer ou pas selon le choix de chacun, cette réédition aurait pu être un hommage digne de ce nom, un petit musée interactif à arpenter pour analyser plus finement les contours de Clock Tower. Au lieu de cela, le jeu de Human Entertainment risque de se faire plus d’ennemis que de nouveaux admirateurs.
Clock Tower : Rewind peine à rendre véritablement hommage à ce classique du genre « horror game ». Bien que cette réédition permette de (re)découvrir un jalon important du patrimoine vidéoludique, l’expérience s’avère trop souvent frustrante, y compris pour les vétérans qui n’ont plus forcément autant de temps ou de patience. Quelques modifications simples auraient pourtant suffi pour rendre l’ensemble moins laborieux et poussif, sans dénaturer l’œuvre originale. Les différences avec la version initiale sont trop minimes, se limitant à des ajouts superficiels qui ne compensent pas les lacunes d’un gameplay datant d’une époque où le concept prévalait parfois sur l’ergonomie. Clock Tower: Rewind s’adresse avant tout à ceux qui souhaitent préserver un morceau important de l’histoire du jeu vidéo, ou aux fans inconditionnels de la mouture Super Famicom ou PlayStation. Reste tout de même le sentiment, amer, d’un joli rendez-vous manqué.
La note de la rédaction
Les notes de la rédaction
Les points positifs
Un jeu important historiquement, désormais facilement accessible
Une traduction française disponible
Les sauvegardes rapides
Une ambiance sonore minimaliste toujours aussi efficace
Plutôt honnête en termes de bonus
Les points négatifs
Une réédition bien trop paresseuse
Le titre est quasiment injouable aujourd’hui
Les notifications de bonus débloqués en surcouche sur l’action du jeu
Un rewind qui s’avère trop limité en termes de durée