Symphonia

Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années, comme le disait Corneille, et Symphonia en est un parfait exemple. Développé dans le cadre d’un projet de fin d’études pour la promotion 2020 de l’école ISART Digital, ce platformer 2D basé sur la musique et à l’univers aussi envoûtant qu’intrigant, a su faire parler de lui à tel point qu’il a fait désormais l’objet d’une sortie sur PC, PS4, PS5, Xbox One et Xbox Series. Exception faite de la version Switch qui a été repoussée au début d’année 2025, c’est donc depuis le 5 décembre 2024 que les joueurs ont pu s’essayer à la partition proposée par le tout jeune studio Sunny Peak. Les notes de violon nous ont appelés et nous n’avons pas pu résister à cette douce mélopée. Musique Maestro !

Ce test a été réalisé sur une version PC fournie par l’Éditeur.

Musica Magica

Pour comprendre ce qu’est réellement Symphonia, il convient de s’intéresser un peu à sa création. Ce sont donc 13 étudiants de la célèbre école de jeux vidéo ISART Digital qui se sont lancés dans son développement dans le cadre de leur projet de fin d’étude. Proposé en téléchargement gratuit dès le 23 juin 2020 sur la plateforme Itch.io, le titre, long d’une trentaine de minutes, se fait d’emblée remarquer par son univers centré sur la musique orchestrale et la virtuosité de son gameplay. À tel point qu’il va remporter le Grand Prix du Jury de l’ISART devant les autres productions de cette promotion 2020.

D’autres récompenses suivront pour finir par la consécration lors de la deuxième cérémonie de l’Académie des Arts et Techniques du Jeu Vidéo 2021 où il remporte le Pégase du Meilleur jeu étudiant. Lauréate des 4ᵉ Évry Games City, l’équipe d’étudiants, remporte un an d’hébergement et d’accompagnement gratuit au C-19 pour développer leur projet. Il n’en faut pas plus au petit groupe pour créer un studio nommé Headup et reprendre le développement de Symphonia afin d’en faire une production complète, très attendue par tous ceux ayant pu tâter de la version gratuite. Quatre ans après sa mise en ligne, voilà donc la version finale qui débarque chez nous pour notre plus grand plaisir.

Philémon-ique

Symphonia nous entraîne dans un monde peuplé d’automates, tombé dans le silence après une catastrophe ayant conduit à la disparition de ses fondateurs, quatre musiciens d’exception. Privée de la magie créatrice générée par la musique, la cité autrefois luxuriante et baignée de lumière tombe en ruine et ses habitants sont divisés, jusqu’au jour fatidique où un automate, ayant trouvé une relique des temps anciens, parvient à redonner vie à Philémon, un mystérieux violoniste. Dans un ultime espoir de reformer l’orchestre et de redonner à Symphonia sa gloire d’antan, l’automate charge le musicien de retrouver ses trois confrères.

C’est donc armé de son seul violon et de son archet que Philémon va explorer tous les recoins de la cité, ce dernier étant l’unique avatar que va contrôler le joueur. Avec ce pitch, il semble évident que la musique tient une place prépondérante, avec des mélodies orchestrales absolument magiques où Olivier Esman se pose en chef d’orchestre inspiré, soutenu par le Scoring Orchestra of Paris pour une bande son qui a tout du concert philharmonique. Chaque minute de Symphonia est un régal pour les oreilles, tout autant que pour les yeux, le titre étant séparé en quatre grands niveaux, chacun avec une identité propre inspiré des grandes familles d’instruments (les bois, les cordes et les cuivres), toujours dans des environnements très détaillés qui respirent la grâce et l’onirisme.

Une impression encore renforcée par l’animation du protagoniste principal dont les poses statiques, la façon de se mouvoir, tout autant que les sauts, sont d’une élégance folle. Mention spéciale aux cinématiques que ne renierait pas un studio d’animation. C’est à peine si l’on pourra regretter un manque d’information sur l’univers, les interactions entre les protagonistes et autres éléments de lore étant quasiment inexistant, mais évoluer dans cet environnement musical de haute volée et propice à la rêverie permettra au joueur de se faire sa propre interprétation de ce qu’il va découvrir au fil des heures.

Cela étant, le voyage tiendra plus de l’excursion que du périple en termes de durée, puisqu’il vous faudra entre 4 et 6h pour en venir à bout, en ligne droite, sans chercher la complétude à 100%. Bien évidemment, ce temps n’est qu’une moyenne puisqu’il dépendra de votre capacité à passer les obstacles sur votre chemin. Ne vous fiez surtout pas aux apparences, malgré une apparente simplicité, Symphonia se révèle tout bonnement machiavélique dans son level design.

Un dernier coup d’archet

Ici, tout repose sur les compétences de saut de Philémon et vous ne rencontrerez aucun ennemi tout au long de votre visite de Symphonia. Grâce à son archet, notre héros pourra sauter plus haut qu’avec un saut de base. En les enchaînant sans aucune pause, ceux-ci nous transporteront d’ailleurs de plus en plus loin. Il lui sera également possible de planter son archet dans des plateformes équipées de coussins afin de se projeter à une assez grande distance de son point de départ. Mais notre héros reste avant tout un musicien et il se servira de son violon dans le but d’enclencher divers mécanismes, voir de dissiper des sortes de ténèbres, incrustés dans les décors.

Cela aura pour effet d’augmenter l’aura du violoniste, ce qui donnera naissance à des volutes de plus en plus sophistiquées quand il jouera. Il est évident qu’au-delà de la panoplie des coups de bases, que vous récupérez assez vite eu égard à la durée du parcours, un certain nombre de coups spéciaux pourront être acquis sur le chemin via la collecte de gouttes mémoires, comme le double saut (saut simple enchaîné avec un coup d’archet) qui est le premier “pouvoir” que vous acquerrez. Ces gouttes mémoires débloqueront par ailleurs des souvenirs de Philémon, sortes de tableaux censés nous éclairer sur le passé de notre avatar. Des notes sont à collecter au cours des niveaux et on va parfois se focaliser sur leur obtention tant elles paraissent accessibles. Attention, il vous faudra atteindre un point sûr avant de voir votre note être validée.

Autant mettre d’emblée fin au suspens, vous n’aurez aucune chance de pouvoir platiner Symphonia dès votre premier passage et un deuxième passage sera nécessaire afin de pouvoir accéder à certaines zones inaccessibles jusqu’alors. Un petit côté Metroidvania qui peut inquiéter les plus novices, tant, reconnaissons-le, Symphonia est tout sauf facile. Malgré une absence de monstres à combattre, partir à la recherche des trois autres musiciens est loin d’être une balade de santé et il vous faudra souvent de nombreux essais avant de pouvoir passer à la salle suivante. Ici les checkpoints sont automatiques à chaque salle traversée, mais certaines étant assez longues, la perspective de devoir refaire tout un parcours en ayant perdu sur un mauvais mouvement en bout de course à de quoi dépiter, pour ne pas dire crisper.

Plus vous avancez dans les niveaux et plus la traversée des obstacles sur votre route vous demandera des enchaînements de mouvements exigeants, un aspect die’n retry appuyé qui ne plaira pas aux moins acharnés d’entre nous, mais qui comblera les amateurs de challenge. Pour autant, le level design est assez ingénieux pour nous donner envie de persévérer, d’autant que chaque zone aura des petites spécificités sympathiques. Ainsi, la serre, affiliée à la famille des bois, nous demandera de nous accrocher à des lianes, quand les champs de cordes baseront leurs mécaniques sur des interactions autour des fils. Il est un peu dommage que les percussions, dernière famille d’instruments présents dans un orchestre symphonique, soient les grands absents de Symphonia, d’autant que la famille des cordes est déjà parfaitement représentée par notre avatar. Mais là, nous sommes vraiment sur du chipotage !  

Une partition sans fausse note !

S’il y a bien une chose qui ne brille pas chez moi, c’est bien la patience et encore moins la persévérance. De ce fait, et connaissant mon peu de résistance à la frustration, j’évite en général les titres en die’n retry et autres roguelikes. Je me souviens encore avec des sueurs froides de mes passages sur Astebros, Meet Your Maker, Demons of Asteborg et Have a Nice Death, encore que dans ce dernier cas son humour déjanté et son univers m’avaient embarqué au point de me faire passer outre son côté roguelite. Eh bien, avec Symphonia, il s’est produit exactement le même phénomène : j’ai été enchanté par la musicalité et les graphismes du bébé de Sunny Peak et avant que je ne m’en rende compte, je me retrouvais à m’acharner pour avancer dans les niveaux.

J’aurais aimé vous dire que j’avais réussi sans trop de difficultés à retrouver les autres musiciens, mais entre mon manque de coordination et le fait que j’ai encore la fâcheuse manie de confondre les touches d’actions dans la panique, mon temps dans Symphonia en a été considérablement allongé. Moi qui ai une tendance à avancer précautionneusement, je me suis souvent retrouvée en difficulté lors de moment où l’agencement des lieux impliquait d’enchaîner les sauts sans temps mort. Heureusement, les phases dans lesquelles un rythme soutenu est de mise sont intelligemment entrecoupées par des instants où il est possible de temporiser pour privilégier la précision plutôt que la vitesse. Soyons honnête, chacune de mes défaites n’est absolument pas due à une maniabilité perfectible, mais bien à mes propres erreurs.

Malgré tout, certains passages m’ont passablement exaspéré, de même que l’éloignement de certains check points, sans arriver toutefois à me faire abandonner, tant la satisfaction de réussir après de multiples tentatives reste jouissive. S’il me reste encore quelques notes à débloquer, j’ai pu mener l’aventure à son terme et une fois n’est pas coutume, je n’aurais pas dit non à quelques niveaux supplémentaires. Bon, ce n’est pas pour autant que je me lancerais tout de suite dans les modes Hardcore et Poursuite, le premier se débloquant une fois un certain nombre d’items collectés et le deuxième une fois l’aventure bouclée une première fois. Mais qui sait de quoi demain est fait ? En tout état de cause, c’est un bon moyen de motiver les joueurs à refaire Symphonia plusieurs fois, ne serait-ce que pour profiter un peu plus longuement de cette parfaite partition d’un hymne à la joie.

Pour conclure…

Conçu comme un simple projet étudiant, le studio Sunny Peak a élevé Symphonia au rang de très grand jeu dans lequel tout est parfaitement maîtrisé, du level design futé à la direction artistique sublime, en passant par une bande son qui transcende l’ensemble de l’œuvre. Un challenge assez corsé, mais à la maniabilité parfaite, qui ne devra pas vous faire passer à côté de petit joyau indé et français de surcroît, dont la courte durée de vie est contrebalancée par une bonne rejouabilité, assurée par les modes Hardcore et Poursuite. Rejoignez donc Philémon pour partir à la recherche des autres musiciens de l’orchestre dans cette symphonie d’un nouveau monde, c’est garanti, vous ne le regretterez pas !

La  note  de la  rédaction

4-5/5

Les notes de la rédaction

Les points positifs

Une DA tout en finesse et en élégance

Une musique omniprésente et absolument sublime

Une maniabilité au cordeau

Une rejouabilité bien présente

Les points négatifs

Une durée de vie assez courte en ligne droite

Un niveau de difficulté corsé qui peut parfois se révéler frustrant

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