Junji Takehara nous propose un voyage dans le temps, plus précisément au XIIIe siècle, en Bretagne. Passionné d’histoire médiévale européenne, l’auteur nous livre ici une intrigue basée sur des faits réels, bien que remodelés avec modération pour les besoins du scénario. Dans cette aventure, nous allons accompagner Thomas, héraut, à la recherche d’une épouse pour l’héritier du duc de Bretagne. Lors de son périple, il va faire la rencontre d’André le Bleau, un chevalier, ami de son seigneur, qui s’avèrera être en réalité Andrée, une femme. Ce duo va alors cheminer ensemble et osciller entre dynamisme, intrigues politiques, humour et quiproquos.
Cette critique a été réalisée avec un exemplaire fourni par l’Éditeur.
XIIIe siècle, Bretagne… Thomas, un héraut, arpente un champ de bataille au péril de sa vie.
Kurokawa
Pour la Petite Histoire…
L’auteur, Junji Takehara, est un passionné de chevaliers en armures, et tout particulièrement de la cotte de maille. Il s’est d’ailleurs basé sur des documents historiques et a beaucoup étudié l’histoire de la France de cette époque, qui, de surcroît, n’avait encore jamais été utilisée dans d’autres mangas. Il décide donc ici d’implanter son histoire dans la Bretagne du XIIIe siècle. À l’aide d’un traducteur automatique, il va éplucher les Wikipédia anglais et français de cette époque pour les besoins de son histoire.
N’ayant jamais voyagé en France, les illustrations qu’il crée, pourtant très fidèles et respectueuses des bâtiments d’origine, lui ont été inspirées par des livres ou encore par des sites internet interactifs qui proposent une visite virtuelle de lieux historiques. Cependant, les styles architecturaux ayant évolué assez vite durant cette période charnière de l’Histoire, tous ceux qui restent aujourd’hui sont de style gothique, d’autres sources d’inspiration ont dû donc être trouvées pour représenter au mieux le style roman également présent à cette époque.
Soucieux de garder les grands événements historiques marquants dans son récit qui se mêlent aux enjeux entre les Capétiens et les Plantagenêts, il a dû faire des compromis, comme renoncer à faire apparaître certaines figures historiques qui le passionnent, par exemple Richard Cœur de Lion, déjà décédé à cette époque. Cependant, il a fait le choix de faire apparaître d’autres figures moins connues, mais normalement mortes également à cette époque, comme Philippe Auguste, arguant que cela passerait plus inaperçu.
À la fin de la bataille, il se voit confier une nouvelle mission : trouver une épouse pour l’héritier du duc de Bretagne !
Kurokawa
Cheva liés par l’aventure
Thomas, jeune héraut, se voit confier une mission par son maître Raoul De Dinan : trouver une femme pour le futur Duc de Bretagne, ainsi qu’un ami de son seigneur dont il a perdu la trace, André Le Bleau. Lors d’un tournoi, André échape à un assassinat et se retrouve blessé. Thomas s’occupe de lui donner des soins et… Surprise ! Ce n’est pas un André, mais une Andrée.
Cette dernière, méfiante envers tout le monde, semble avoir vécu des choses traumatisantes, dont l’asassinat de son père, et voue une haine sans égale au Duc et à toute sa famille. Ce qui est gênant, vu que, vous l’aurez deviné, c’est que c’est elle qui est censée épouser le fils de ce dernier. Classique, mais cocasse et bien amené dans l’intrigue. Thomas va réussir à gagner un peu de sa confiance, à ses dépens puisque celle-ci profite de sa naïveté pour lui voler ses affaires et se faire passer pour lui.
Afin de s’acquitter de sa tâche, Thomas se rend à un tournoi e nquête d’André le Bleau, un ami de son seigneur… Mais il va tomber nez à nez avec Andrée, une ravissante jeune fille habillée en chevalier, qui semble vouloir attenter à la vie du duc !
Kurokawa
Les apparences sont trompeuses
L’auteur confie qu’il a choisi une femme comme protagoniste principale de Chroniques de la Mariée de Bretagne, car au Japon, les femmes chevaliers sont bien plus appréciées que les hommes. Le thème étant très occidental, ils ont beaucoup de mal à s’identifier aux chevaliers traditionnels. De plus, Junji Takehara explique ne pas aimer cette image de femme vêtue d’une armure, à forte poitrine et qui plus est en jupe, trouvant cette tenue totalement irréaliste. C’est pourquoi il a fait le choix d’habiller Andrée en armure intégrale pour coller avec la version historique. Et on l’en remercie ! C’est rafraîchissant d’avoir un personnage féminin qui existe autrement que par des tenues courtes ou une forte poitrine, et qui a une vraie profondeur ! Espérons que cette version de chevalier au look qui tient plutôt de Jeanne d’Arc va faire des émules et bousculer un peu les conventions de représentation des héroïnes.
Quant à Thomas, héraut, il est d’abord présenté comme un personnage peu conventionnel malgré son statut. En effet, il est un petit peu tourné en ridicule, éprouve une certaine sensibilité, en rêvant par exemple d’une promesse faite à une jeune fille lorsqu’il était plus jeune. Mais très vite, son courage va refaire surface. Malgré un contexte historique qui ne se prête pas vraiment à la rigolade, le manga est ponctué de notes humoristiques qui arrivent à donner une certaine légèreté à l’ensemble.
L’histoire qui nous est racontée est particulièrement dynamique, on va de rebondissements en rebondissements et le lecteur n’aura pas le temps de s’ennuyer. Ce manga se lit réellement d’une traite tant il est prenant et rythmé. J’ai beaucoup apprécié la mini histoire post manga sur l’origine du savon de Marseille. Elle complète bien une scène en particulier du manga, qui sans cet ajout, aurait été un peu expédiée à la façon d’une scène coupée dans un film.
Une plume aussi forte que l’épée
Le style visuel général est très beau, dans un style romantique, non sans rappeler le dessin de certains shojo, à base de traits fins, des personnages aux grands yeux, et des jolis détails,… Tous les personnages de Chroniques de la Mariée de Bretagne sont d’ailleurs très beaux et très stylés. Le dynamisme est aussi présent dans les planches, particulièrement lors des combats. En effet, on apprécie les pirouettes faites en armures qui, certes, ne brillent pas par leur véracité historique, mais sont tellement épiques ! La nourriture également paraît appétissante, pourtant avec de la nourriture médiévale, ce n’était pas gagné. Enfin, vous l’aurez compris plus haut, les environnements sont très détaillés et vérifiés historiquement, ce qui permet d’implanter nos beaux protagonistes dans un écrin encore plus esthétique.
Vivement la suite…
J’ai personnellement beaucoup apprécié ma lecture, tant au niveau des graphismes que de l’histoire. Bien que le tout soit plutôt classique, Chroniques de la Mariée de Bretagne se distingue par sa volonté de préserver les grands marqueurs de l’Histoire, ainsi que par son héroïne, loin des standards habituels. J’apprécie également le bel équilibre entre moments humoristiques et moments plus sérieux. C’est une belle découverte et j’ai hâte de voir la suite des aventures d’Andrée et de Thomas.
Pas besoin d’être un féru d’histoire pour apprécier ce manga. Et pas besoin d’être lecteur de manga pour apprécier cette histoire. En effet, avec ses dessins au style à la fois romantique, parfois proche du shojo mais pas trop, et un environnement historiquement documenté, des personnages hauts en couleur et un bel équilibre entre humour et moments sérieux, Chroniques de la Mariée de Bretagne a beaucoup d’atouts pour vous charmer. L’auteur a fait le choix de la légèreté et de l’humour afin de rendre sa chronique médiévale particulièrement digeste, y ajoutant en bonus de très belles scènes de confrontations alliant dynamisme et suspens. Les protagonistes sont attachants et singuliers, mention spéciale à une Andrée qui se permet de casser beaucoup de clichés, tant visuels que narratifs, et qui parlera tout particulièrement, je pense, au lectorat féminin, dont je fais partie.