Le premier Mana sur Game Boy (Final Fantasy Gaiden: Seiken densetsu au Japon et Mystic Quest en Europe) était déjà un titre honorable, mais c’est véritablement avec l’opus suivant que la franchise a explosé chez nous, notamment grâce à une traduction française et un guide inclus dans la boîte du jeu. Avec son approche novatrice de l’action-RPG, ses graphismes éclatants et ses musiques envoûtantes, Secret of Mana (Seiken densetsu 2) a su conquérir de nombreux joueurs (à l’instar de votre serviteur). Sa suite, Seiken densetsu 3, sortie uniquement sur Super Famicom (la Super Nintendo japonaise), n’a jamais atteint l’Occident à l’époque, mais a finalement été traduite lors de sa réédition et de son remake, sous le nom de Trials of Mana. Par la suite, Legend of Mana est arrivé sur PlayStation, puis Sword of Mana sur Game Boy Advance, Children of Mana et Heroes of Mana sur Nintendo DS ou encore Seiken densetsu 4/Dawn of Mana sur PlayStation 2, sans oublier des jeux mobiles et moult rééditions et remakes. Avec parfois un sentiment de déception à l’arrivée. Dans le cœur des fans, peu d’épisodes post- Seiken densetsu 3 ont su rivaliser avec le mythe qu’était la série durant l’ère 16 bits. Cependant, les trailers prometteurs de Visions of Mana ont ravivé l’espoir. Nous avons eu la chance de pouvoir y jouer en avance, alors, le jeu tient-il ses promesses ?
Ce test a été réalisé sur une version PS5 fournie par l’Éditeur.
« Eh ! Mana, tu descends ? »
L’idée de développer un nouvel épisode canonique de la série Mana chez Square Enix a vu le jour sous l’impulsion de Masaru Oyamada, devenu producteur de la franchise en 2014 avec Rise of Mana, un épisode destiné aux smartphones. Monsieur Oyamada était conscient de l’attente des fans, mais se heurtait à des opinions parfois opposées quant à la direction à prendre. Afin de mieux cerner le désir des joueurs, il a donc lancé la production de plusieurs remakes et remasters des titres classiques de la série. Finalement, le développement de Visions of Mana a été fortement motivé par l’accueil très positif réservé au remake 3D de Trials of Mana.
La première pierre de Visions of Mana a finalement été posée en 2020, sous l’égide d’Ouka Studios, une filiale nippo-chinoise de NetEase dirigée par Tetsuya Akatsuka. Connaissant ce dernier, Oyamada a fait appel à Ouka Studios pour mener à bien ce projet. Ryosuke Yoshida et Kenji Ozawa, ont co-réalisé le jeu : Yoshida était responsable des aspects gameplay tandis qu’Ozawa s’est chargé de la conception du monde et de l’histoire. Hélas, nous avons appris depuis que le studio allait fermer ses portes, pour des raisons totalement décorrélées des futurs résultats de Visions of Mana. Une bien triste nouvelle pour le secteur du jeu vidéo, comme il en tombe par dizaine ces temps-ci.
Divergence de Visions
Sans spoiler, on peut dire que Visions of Mana porte bien son nom, car ce sont plusieurs points de vue sur la légende qui vont ici se confronter. Le point de départ est le suivant : Dans un monde enchanteur et habité par différents peuples au look pour le moins bigarré, l’Arbre Mana représente le pilier de l’équilibre, la source vitale de tout ce petit monde. Tous les quatre ans, un habitant est désigné comme « Offrande » et reçoit la mission sacrée d’entreprendre un pèlerinage pour restaurer le flux de Mana en se sacrifiant à l’Arbre. Ce rituel permet de protéger le monde contre de multiples catastrophes.
Pour assurer la réussite de ce périple, l’Offrande est accompagnée par un « Gardien », chargé de veiller à sa sécurité tout au long du voyage. Si une grande majorité de personnes prend ce rituel comme fait établi en se soumettant à ce dernier, d’autres voix -plus contestataire- se font entendre. L’épopée démarre avec Val, le héros du jeu, un guerrier choisi pour devenir le Gardien de Hina, son amie d’enfance sélectionnée pour accomplir le pèlerinage en tant qu’Offrande du feu. Ils seront par la suite rejoints par Morley, un homme-chat, karina, une peste semi-dragon, Palmina, la reine de la capitale aquatique Illystana, et Julei, un petit bonhomme tout mignon tout plein vivant dans la forêt.
Le menu de Mana
Visions of Mana propose une expérience action-RPG classique, mais solidement construite, où exploration, combats dynamiques, gains de points d’expérience, sauts, attaques spéciales et gestion de l’équipe se combinent à merveille. Il est possible de contrôler jusqu’à trois personnages simultanément, permettant de varier les styles de jeu en basculant rapidement de l’un à l’autre, à la volée. Chaque protagoniste dispose de pouvoirs et de coups spéciaux divers, ce qui enrichit les affrontements, les rend parfois explosifs et offre une grande flexibilité tactique. Les combats sont fluides et offrent des sensations très satisfaisantes, grâce à un gameplay bien ficelé. Le monde de Visions of Mana est divisé en zones semi-ouvertes, où l’on peut librement explorer villes et donjons.
Des points de sauvegarde éparpillés ici et là permettent de voyager rapidement entre les lieux. L’exploration, d’une bien belle souplesse, est enrichie par des objets à collectionner et des coffres, dont certains sont bien dissimulés. Évidemment, il est primordial de glaner le plus d’argent possible pour ensuite aller faire de menus emplettes dans les villages, ou auprès de vendeurs itinérants à moustaches que les mordus des premiers Mana connaissent bien. En plus de la quête principale, des missions secondaires sont disponibles, proposées par différents PNJ. Les objectifs peuvent consister à rechercher des objets ou des personnes, ou encore à affronter des ennemis spécifiques. Le joueur peut parcourir les environnements à pied, à dos de montures animales, ou encore voyager sur une tortue géante pour traverser les océans, tandis que les cieux sont explorables via…hum… vous verrez !
Élémentaires, non ?
Les amateurs de la série seront ravis de retrouver les esprits élémentaires emblématiques de la franchise (Feu, Vent, Terre, etc.). Dans Visions of Mana, leur rôle est plus crucial que jamais, car des classes de personnages se débloquent au fur et à mesure que ces élémentaires rejoignent l’équipe. Chacun d’entre eux confère une classe unique à son porteur, offrant ainsi une riche diversité dans les rôles et compétences de chaque membre. Pour acquérir de nouveaux pouvoirs, il faudra passer par un traditionnel arbre de compétences, ma foi fort bien conçu. Cette flexibilité permet d’adapter efficacement la composition du groupe aux exigences des combats et à l’exploration. Il est important de noter que certaines batailles demandent une approche stratégique, car de nombreux ennemis possèdent des faiblesses élémentaires spécifiques.
Ces vulnérabilités peuvent être exploitées en utilisant des objets ou des attaques élémentaires bien ciblées, ajoutant une dimension tactique supplémentaire aux affrontements. Il est également important de noter l’utilisation d’objets magiques liés aux éléments et qui permettent d’interagir avec l’environnement (créer des colonnes de vent pour sauter plus haut, manipuler des bulles d’eau géantes pour se mouvoir, etc.). Les bonnes idées pullulent de part et d’autre. Si vous êtes plutôt du genre bourrin, pas de panique, le jeu propose plusieurs niveaux de difficulté, et en mode Normal, les combats se déroulent plutôt sans encombre, à condition de ne pas esquiver trop d’affrontements. Quant à la durée de vie, elle varie entre 30 et 40 heures, selon votre penchant pour les quêtes secondaires.
Un régal pour les sens
Visions of Mana mise dès les premiers instants sur la nostalgie en faisant des clins d’œil appuyés à l’intro légendaire de Secret of Mana. Le classique de la Super Nintendo est évoqué à plusieurs reprises, ce qui va ravir, à n’en point douter, les aficionados de la première heure. Les références à Trials of Mana et Legend of Mana sont également nombreuses, renforçant d’autant plus l’héritage de la série. Concernant la robe visuelle de ce nouvel opus, ne tournons pas autour du pot : la réalisation et la direction artistique atteignent ici des sommets !
Les décors, somptueusement détaillés et agencés avec une grande méticulosité, offrent un plaisir visuel de chaque instant. De même, la topographie de chaque zone est finement conçue, pour rendre l’exploration particulièrement gratifiante, avec des récompenses disséminées un peu partout. La verticalité est aussi de mise lors de l’exploration, et c’est un aspect des plus appréciable. Pour une expérience plus immersive, il est d’ailleurs recommandé de désactiver la mini-carte en haut à droite de l’écran, car celle-ci peut submerger le joueur d’informations et nuire au plaisir de la découverte. Côté bande-son, le Mana version 2024 ne déçoit pas non plus, avec des thèmes soignés et enchanteurs.
Toutefois, il manque quelques morceaux mémorables qui marqueraient autant que ceux des épisodes sur Super Nintendo ou PlayStation. À ce propos, la musique a été co-composée par Hiroki Kikuta (le compositeur des deux volets sur la 16 bits de Nintendo), accompagné de Tsuyoshi Sekito et de Ryo Yamazaki, eux aussi déjà impliqués dans la création des bandes-son des précédents jeux Mana. Le principal point faible de cette magnifique production réside dans ses cut-scenes, dont la mise en scène paraît franchement dépassée. À cela s’ajoute un gros bémol concernant le rendu de certains visages, qui, de manière inexplicable, donnent un sentiment de malaise.
Après trois ou quatre premières heures de jeu où l’on pouvait encore s’interroger, les grandes qualités de Visions of Mana s’imposent rapidement. Il ne fait aucun doute : nous avons là le meilleur opus de la franchise ! Bien que mon cœur de fan gardera toujours une place spéciale pour Secret of Mana sur Super Nintendo, il est clair que Visions of Mana le dépasse sur presque tous les aspects, à l’exception de la bande-son, qui bien que légèrement en deçà de la partition légendaire sur 16 bits, reste néanmoins excellente. Quelle joie de voir un Mana resplendir à nouveau avec autant d’éclat !
La note de la rédaction
Les notes de la rédaction
Les points positifs
Une réalisation et une direction artistique splendide
Un level design soigné qui renouvelle constamment les situations
Exploration motivante et galvanisante
Très belle bande-son
Système de combat, de classes et de magie bien pensé
Du bon fan service
Durée de vie bien dosée
Les points négatifs
Jouable uniquement en solo
Temps de chargements un peu long pour une PS5
La mise en scène des cinématiques est trop vieillotte