Les Enquêtes de Joseph Laflamme – Tome 3 : Maria

Comme je vous l’avais annoncé il y a quelques mois, nous n’en avons pas fini avec Joseph Laflamme, journaliste indépendant affilié au journal Le canadien, ayant déjà combattu Jack l’éventreur et le Ku Klux Klan. Pour cette nouvelle aventure, Les Enquêtes de Joseph Laflamme – tome 3 : Maria, Hervé Gagnon lance son héros au cœur d’un scandale impliquant l’Église catholique de Montréal. Sorti en librairie le 2 octobre 2024, toujours sous la bannière Hugo Poche, nous sommes retournés arpenter les pavés du Montréal de 1892, en compagnie du journaliste et de ses alliés.

Cette critique a été réalisée avec un exemplaire fourni par l’Éditeur.

Ave Maria

Montréal, janvier 1836. Un livre bouleverse la ville : il relate de sordides histoires de fornication entre les Hospitalières de l’Hôtel-Dieu et les Sulpiciens, évoquant profanation, assassinats et débauche. La bonne société est en émoi, et l’évêque doit défendre la réputation de son diocèse.

Montréal, septembre 1892. Un charnier d’enfants est découvert, rue Le Royer. Puis, le corps mutilé d’un banquier est retrouvé à Griffintown et deux fillettes portant de terribles traces d’abus sexuels sont repêchées dans le fleuve, près de la rue de la Commune.

Les trois affaires ne semblent pas liées, jusqu’à ce qu’un vieux prêtre remette à Joseph Laflamme un exemplaire du livre de 1836, en lui laissant entendre que l’histoire se répète. Pour réussir à dénouer l’intrigue, Laflamme, l’inspecteur Arcand et le reste du groupe devront pénétrer dans un univers de corruption aux ramifications insoupçonnées et déterrer un scandale enfoui depuis un demi-siècle.

Hugo Poche

Les Enquêtes de Joseph Laflamme – tome 3 : Maria commence en 1836, à la parution du livre The Awful Disclosures of Maria Monk, dans lequel l’autrice éponyme raconte son passage au sein de la communauté des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu. Un pamphlet narrant de sordides pratiques de fornication avec les prêtres Sulpiciens, ainsi que de meurtres et autres dépravations. Monseigneur Lartigue, évêque de Montréal, est dans la tourmente, étant même cité en tant que participant aux ébats par Monk, et doit à tout prix démontrer que le livre n’est qu’un tissu de mensonges pour réhabiliter l’honneur de l’Église catholique.

Cinquante ans plus tard et sept mois après les événements des meurtres perpétrés par le Ku Klux Klan, Marcel Arcand débarque un beau matin chez les Laflamme, où sont également présents McCreary, désormais officiellement fiancé à Emma, et Mary, réformée de son ancienne profession et travaillant comme couturière chez la sœur de son prétendant. L’inspecteur vient chercher le journaliste pour l’emmener sur les lieux d’un charnier, découvert par hasard lors de l’effondrement d’une rue à cause d’une conduite d’égout ayant explosé. Une fois sur place, Joseph se retrouve confronté à l’horreur, car ce sont des corps de nourrisson qui composent ce cimetière dorénavant à ciel ouvert.

En chemin pour rentrer chez lui, après avoir apporté son article sur la découverte macabre ayant eu lieu en pleine ville dans les bureaux du Canadien, notre héros est abordé par un prêtre âgé qui lui remet un exemplaire de The Awful Disclosures of Maria Monk. Celui-ci l’exhorte avec vigueur à le lire en arguant que Les meurtres d’enfants ne sont pas une première à Montréal et que Maria avait raison. Intrigués par les similitudes entre les faits exposés dans l’ouvrage et l’affaire du charnier de la rue Le Royer, Joseph, McCreary et Arcand vont se lancer dans une investigation dont ils ignorent encore qu’elle va faire de nombreuses victimes. Mais quel peut bien être le rapport entre le brûlot paru en 1836 et la série de meurtres qui touche la ville cinquante ans plus tard ? C’est ce que les trois limiers vont devoir découvrir…

Découvrez un extrait des Enquêtes de Joseph Laflamme – Tome 3 : Maria ici !

Quand les ennuis couvent…

Bien que dans les deux derniers tomes de Joseph Laflamme (Jack et Jeremiah), Hervé Gagnon nous ait habitué à mettre en présence son héros avec des figures très connues de l’histoire, ici aucune légende ne va croiser la route du journaliste. Pour autant, l’écrivain part encore une fois d’une base réelle, puisque le livre The Awful Disclosures of Maria Monk ainsi que son autrice présumée ont réellement existé, l’ouvrage étant même toujours disponible à la vente, à ma grande surprise. Pour une fois, les sociétés secrètes sont mises en retrait (même si les Francs-maçons gardent un certain rôle dans l’intrigue), pour se consacrer à la politique et à la religion.

C’est donc sur l’affaire Maria Monk, par ailleurs fort peu connue en dehors du territoire américain, que se base le récit de cette nouvelle intrigue, que Gagnon encore une fois a parfaitement documenté. Mais revenons un peu sur le contexte de la parution de ce livre sulfureux qui a bien failli enterrer l’Église catholique montréalaise. Après une enfance difficile et s’être livrée à la prostitution, Maria fut internée à l’âge de 18 ans par ses parents à l’Institution charitable pour les filles repenties de Montréal dont elle fut exclue un an après, enceinte. De là, elle prit la fuite à New York où elle se retrouva prise dans une croisade anti-catholique menée par les protestants et dont la parution de son soi-disant témoignage avait été l’un des sommets de la lutte.

Il a depuis été prouvé que Maria n’a jamais mis un pied à l’Hôtel-Dieu et que le recueil de son témoignage est faux. Toutefois, le livre a suscité de nombreux débats entre les partisans de Maria et ses détracteurs, les exemplaires se vendent comme des petits pains, devenant ainsi le best-seller de l’époque, amenant les véritables auteurs du texte à sortir du bois pour revendiquer une part conséquente des recettes commerciales. Afin d’éteindre la polémique, Mgr Lartigue a permis au protestant, le colonel William L. Stone rédacteur au New York Commercial Advertiser, de visiter l’Hôtel-Dieu dans ses moindres recoins afin de rétablir la vérité. Ce qui fut fait et entériné par la suite avec le témoignage de la propre mère de Maria exposant les mensonges de sa fille. Maria quant à elle mourut treize ans plus tard dans une prison de New York, elle avait 33 ans.

The Awful Disclosures of Joseph Laflamme

C’était déjà le cas pour les deux premiers récits de Joseph Laflamme, mais Les Enquêtes de Joseph Laflamme – tome 3 : Maria enfonce le clou en traitant de sujets encore plus glauques et malaisants que ces prédécesseurs, dans la mesure où des enfants se retrouvent parmi les victimes. Ce volume en particulier n’est donc pas à mettre entre toutes les mains tant les dépravations décrites peuvent être choquantes. Ceci étant dit, une férue d’histoire telle que moi ne résiste jamais à la tentation de se plonger dans des scenarii ayant un point de départ ancré dans la réalité (ma fascination pour la Bête du Gévaudan, par exemple, n’est un secret pour personne).

Ayant mes propres croyances, j’avoue beaucoup aimer lire des fictions dans lesquelles l’Église en tant qu’institution mise à mal par ses travers et autres fautes commises (Le Nom de la Rose), tant la chrétienté s’est crues durant des siècles au-dessus de toutes lois, en tant que religion mondiale majoritaire. Sans partager la haine, légitime en ce qui le concerne, de Joseph envers les représentants du culte catholique, j’ai passionnément suivi les investigations du journaliste, satisfaite de connaître la vérité, même si cette dernière n’a malheureusement pas eu vocation à être divulguée au final.

Une nouvelle fois, j’ai pu partager un temps la vie de la famille Laflamme (dont il ne m’a fallu qu’une journée de lecture pour boucler les 317 pages) évolue petit à petit au fil des épreuves qui rapprochent tout ce petit monde et il est impensable pour moi de m’arrêter en si bon chemin. J’attends donc de pied ferme la parution des Enquêtes de Joseph Laflamme – tome 4 : Benjamin dont la sortie est programmée pour le 8 janvier 2025 sur le site de l’éditeur. De quoi commencer l’année 2025 en beauté, isn’t it ?

Pour conclure…

Les Enquêtes de Joseph Laflamme – tome 3 : Maria met notre charismatique journaliste en bien mauvaise posture, confronté à des assassinats d’enfants abusés, un meurtre de banquier mutilé et à un charnier de bébé. Si le lien est assez ténu avec l’affaire Maria Monk et son livre à charge The Awful Disclosure of Maria Monk, on est encore une fois happé par la verve d’Hervé Gagnon qui nous empêche, une fois la première page lue, de lâcher le roman jusqu’à son épilogue. Une lecture au sujet parfois dérangeant et qui n’est pas à mettre entre toutes les mains, mais pour le public averti, la parfaite continuité de cette série de polars historiques prenant place dans le Montréal de la fin du XIXᵉ siècle. Il ne nous reste plus qu’à tailler notre crayon en vue de la sortie, le 8 janvier 2025, du tome quatre des Enquêtes de Joseph Laflamme, sous-titré Benjamin.

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