Ça y est, la rentrée vient de pointer le bout de son nez et il est temps de reprendre le chemin des cours ou du travail. Heureusement, on peut compter sur Glénat pour nous distiller notre dose trimestrielle des aventures éditoriales de Kokoro. C’est donc avec le tome 13 de Réimp’!, sorti en boutique le 21 août 2024, que nous nous replongeons dans notre quotidien. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que celui de notre héroïne est loin de ressembler à un long fleuve tranquille. Entre la sortie du premier livre de la jeune Agarié, les problèmes d’inspirations de Nakata et les états d’âme d’Ayu, Kokoro ne sait plus vraiment où donner de la tête !
Cette critique a été réalisée avec un exemplaire fourni par l’Éditeur.
Le petit Kokoro illustré
“Je veux travailler dans le manga !”
Nombreux sont ceux qui aspirent aujourd’hui à devenir mangaka ou éditeur manga. Mais saviez-vous que ce n’était pas la seule manière de travailler dans le manga ?
C’est ce que va découvrir Kokoro, embauchée dans une maison d’édition pour avoir fait une prise de judo à son président. Affectée à l’éditorial manga, elle va peu à peu faire connaissance avec l’univers qui l’entoure… À la différence de Bakuman qui présente un huis-clos entre un auteur et un éditeur souhaitant créer le prochain hit shōnen, Réimp’ ! offre une description plus réaliste et seinen, avec une multitude de personnes : commerciaux, libraires, graphistes, assistants… tous là pour porter l’œuvre jusqu’à son lecteur. Les mangakas ne sont évidemment pas en reste, avec une galerie de personnages qui nous semblent étrangement familiers : le grand auteur légendaire passé de mode, l’ex-hitmaker qui n’arrive plus à vivre de son art, la jeune autrice hésitante, le jeune prodige torturé… Avec un style brut, mais sensible, l’autrice décrit avec fougue la passion qui habite tous ses personnages.
Glénat
Kokoro Kurosawa, l’héroïne de Réimp’!, est une véritable force de la nature. Ancienne judoka de haut niveau, son rêve olympique s’est brisé à la suite d’une blessure. Contrainte de changer de voie, elle tente sa chance en se présentant à un recrutement chez la prestigieuse maison d’édition Kohtokan. Embauchée comme éditrice au sein du magazine Weekly Vibes, après un revirement de situation lors de son entretien, elle découvre un univers exigeant où elle doit apprendre les ficelles du métier au contact de ses collègues. Elle se retrouve rapidement en charge de plusieurs auteurs, notamment Nakata, un jeune mangaka prometteur, mais asocial.
À force de patience et de persévérance, Kokoro parvient peu à peu à l’aider à s’ouvrir aux autres. Cependant, le succès de leur série La Transition des Pivs dépend d’un élément crucial : l’élaboration d’un méchant emblématique et la confrontation du mangaka avec son passé, en quête d’inspiration, risque bien de laisser des traces plus profondes que prévu. Parallèlement, Kinu Agarié et Kokoro ont, malgré la résistance de Yasui, réussi à travailler ensemble et l’autrice connaît un succès mérité sur la plateforme en ligne Flow. Entre son travail d’éditrice qui lui demande de gérer tous les aspects de la production de manga et le fait de devoir veiller au bien-être de ses auteurs, l’éditrice n’a pas le temps de s’ennuyer.
Le choix des maux
Alors que la jeune Ayu tente de se faire des amis, sa vie au quotidien l’empêche d’être sur la même longueur d’onde que ses camarades de classe. Suite à une amitié qui a tourné court, elle finit par s’en ouvrir à Kokoro. Quels conseils l’éditrice pourra-t-elle lui fournir ? Kokoro en tirera-t-elle profit pour aider monsieur Nakata à rendre son personnage “Dolk” plus intéressant ? Ce, sans compter le travail quotidien d’une éditrice, comme le fait d’aider un jeune auteur à donner du goût à ses dessins…
Glénat
Réimp’! tome 13 s’ouvre sur un aperçu de la vie d’Ayu qui continue son petit bonhomme de chemin tout en assurant ses cours. Mais ce fossé entre son quotidien et la vie familiale de ses camarades crée un décalage entre les préoccupations de l’adolescente et celles de ses amis. Lorsqu’une incompréhension entre Ayu et Koharu, dont elle est très proche, voit le jour, la jeune fille finit par s’en ouvrir à Kokoro. Pendant ce temps, Nakata est toujours bloqué dans sa conception de “Dolk”, l’antagoniste principal de sa série. S’obligeant à observer les gens afin d’étoffer son personnage, il s’assoit quotidiennement devant la gare pour regarder les passants.
Cependant, ce passe-temps n’est pas du goût de tout le monde et le mangaka va avoir besoin de l’intervention de son éditrice pour le tirer d’embarras. De passage chez Vibes, Issun Takahata va faire profiter de son expérience un jeune auteur de Kokoro qui peine à rendre les plats qu’il dessine appétissants. De son côté, Kinu Agarié est sur un petit nuage avec la sortie prochaine du premier volume relié de Travel Trouble qui cartonne sur la plateforme Flow. Toutefois, l’horizon s’obscurcit très vite pour elle. Entre son employeur qui la somme de faire un choix entre son travail à l’agence de voyage et celui de mangaka et sa mère qui veut la voir devenir femme au foyer, les pressions sont fortes et les choix difficiles.
Découvrez un extrait de Réimp’ ! – Tome 13 ici !
Edition Woman
Maintenant que tous les acteurs du petit monde de Kokoro sont bien installés, c’est un plaisir de les voir aller et venir au gré des pages, chacun venant au moment propice apporter quelque chose à l’intrigue. Ainsi, on suit depuis le début la vie d’Ayu que l’on voit évoluer et aller de l’avant après la mort de son père mangaka. Je dois dire que c’est toujours un plaisir de la revoir tant je ne peux m’empêcher d’éprouver un fort sentiment de sympathie pour l’adolescente obligée de grandir très vite. Et c’est sans doute là le secret du succès de Naoko Mazda. En effet, je ne suis absolument pas fan du graphisme de la mangaka, ce qui n’a jamais changé depuis le premier tome de la série.
Pour autant, je suis avec bonheur la vie de Kokoro tome après tome, grâce à ses personnages d’une criante justesse, capable de nous faire ressentir beaucoup de sentiments au gré des situations auxquels ils sont confrontés. Et cela reste vrai que l’on adhère, ou pas, au style de dessin de l’autrice. Prenons par exemple Kinu Agarié, maintenant qu’elle a retrouvé l’envie de refaire du manga et à avoir Kokoro comme éditrice (cf. Réimp’! tome 12), elle se rend compte qu’elle n’aurait jamais pu en arriver là où elle en est sans son expérience désastreuse sous la coupe de Yasui. Choisir de transformer ses échecs en leçons de vie demande souvent une grande lucidité et du recul sur soi et j’ai aimé voir cela dans Réimp’!, car c’est une philosophie à laquelle j’adhère totalement.
Pareillement, cela fait plusieurs tomes que l’on s’aperçoit que Takahata est dans une optique d’aide et de transmission à la jeune génération. Cela se confirme encore ici quand il donne des conseils, pour rendre ses dessins de plats plus appétissants, à un auteur débutant de notre éditrice préférée. Je me suis aperçue avec le temps, que c’est par son prisme que Naoko Mazda nous fait découvrir les techniques utilisées par les dessinateurs confirmés, que ce soit en termes de dessins, de création ou de mise en page. Certes, de nombreuses méthodes de dessin existent aujourd’hui pour apprendre de façon plus concrète, mais distiller ces petites informations au détour d’une planche est une façon de faire qui fonctionne tout aussi bien en ce qui me concerne.
Issun prend petit à petit de plus en plus de place et s’étoffe pour passer d’un mangaka capricieux et difficile à gérer à un homme qui aime profondément son métier et bienveillant avec les autres. À ma grande surprise, mon affection pour lui grandit à mesure que sa personnalité s’affine. Ce n’est pour autant pas le cas pour tout le monde et la personnalité de Nakata me laisse toujours autant perplexe (sans que ce soit au point de Shinji dans Evangelion, il me tape quand même sur les nerfs). Avec lui, je passe de l’énervement à la compréhension, tout en me demandant comment l’éditrice arrive à composer avec un auteur aussi obtus.
Le grand méchant de son histoire manquant de profondeur, il décide de revoir son père qui le lui a inspiré (cf. Réimp’! tome 10) , mais ce qu’il trouve au bout du chemin n’est pas une libération, loin de là. Cependant, je reste intrigué par la modification de comportement du poulain de Kokoro qui, après l’asociabilité, penche désormais vers le dédoublement de personnalités. Mais est-ce vraiment aussi simple ? Nous ne le saurons malheureusement pas avant la future sortie du tome 14 de Réimp’! annoncée pour le 6 novembre 2024.
Les prises de consciences et les prises de décisions sont au centre de ce nouveau volume de Réimp’! où notre héroïne ne doit plus seulement gérer ses plannings, mais aider ses auteurs à résoudre les conflits personnels qui les assaillent. Ainsi, dans le tome 13, entre Nakata, Agarié et Ayu, Kokoro ne sera pas avare de conseils pour aider efficacement tout ce petit monde. Même si tout ne va pas se résoudre d’un coup de baguette magique et on a hâte de savoir ce qui va arriver à Nakata qui semble avoir bien du mal à ne pas perdre pied avec la réalité. Réponse dans le prochain volume de Réimp’! qui devrait paraître pour le 6 novembre 2024.