Réimp’! – Tome 10

Maintenant que Naoko Mazda a atteint le volume 10 de Réimp’!, elle est entrée dans une sorte de routine à mettre en scène Kokoro et toute l’équipe éditoriale du magazine Weekly Vibes. Ce n’est pas pour autant que l’intrigue perd en intérêt, loin de là, puisqu’on découvre au fil des tomes des aspects dans la conception des mangas jamais mis en avant dans de telles œuvres. Ainsi, dans ce dixième tome sorti le 22 novembre 2023, nous découvrons le travail des typographes, chargés de donner aux textes une voix qui leur est propre. Et notre éditrice préférée va découvrir que ce n’est pas toujours une mission aisée.

Cette critique a été réalisée avec un exemplaire fourni par l’Éditeur.

Les jeux typographiques

“Je veux travailler dans le manga !”

Nombreux sont ceux qui aspirent aujourd’hui à devenir mangaka ou éditeur manga. Mais saviez-vous que ce n’était pas la seule manière de travailler dans le manga ?

C’est ce que va découvrir Kokoro, embauchée dans une maison d’édition pour avoir fait une prise de judo à son président. Affectée à l’éditorial manga, elle va peu à peu faire connaissance avec l’univers qui l’entoure… À la différence de Bakuman qui présente un huis-clos entre un auteur et un éditeur souhaitant créer le prochain hit shōnen, Réimp’ ! offre une description plus réaliste et seinen, avec une multitude de personnes : commerciaux, libraires, graphistes, assistants… tous là pour porter l’œuvre jusqu’à son lecteur. Les mangakas ne sont évidemment pas en reste, avec une galerie de personnages qui nous semblent étrangement familiers : le grand auteur légendaire passé de mode, l’ex-hitmaker qui n’arrive plus à vivre de son art, la jeune autrice hésitante, le jeune prodige torturé… Avec un style brut, mais sensible, l’autrice décrit avec fougue la passion qui habite tous ses personnages.

Glénat

Kokoro Kurosawa est une athlète de haut niveau, une judoka talentueuse pressentie pour participer aux Jeux Olympiques, jusqu’à ce qu’une blessure vienne mettre un terme à sa carrière. Obligée de se réorienter professionnellement, elle va pousser la porte de chez Kohtokan et se faire embaucher suite à un entretien particulièrement renversant pour le directeur de la société d’édition. Affectée au magazine Weekly Vibes, Réimp’! va nous proposer de suivre la vie de Kokoro en tant qu’éditeur de manga.

Maintenant que Kokoro commence à bien prendre ses marques au sein de la rédaction, elle a hérité d’un jeune auteur du nom de Nakata qui, bien que très talentueux, est totalement incapable de s’intéresser à autre chose qu’à sa série. Asocial au dernier stade, Nakata va déstabiliser Kurosawa qui va avoir du mal à composer avec la personnalité à part du mangaka qui enchaîne les assistants, incapable de s’entendre avec qui que ce soit sur le long terme. Après avoir permis avec brio l’édition et le succès du premier volume relié de “La Transition des Pivs” dessiné par Nakata, Kokoro va devoir s’attaquer à un autre problème…

La voix du texte

À l’occasion de la sortie du nouveau roman de Keito Hori, Kokoro découvre la richesse de la typographie. Pour satisfaire les désirs d’une autrice de renom, elle découvre même qu’il est possible de créer entièrement une police de caractères, grâce au travail des “créateurs de caractères” ! De son côté, Nakata doit se soumettre à une interview doublée d’une séance photo. Dur pour lui de devoir s’exposer autant…

Glénat

Réimp’! tome 10 commence avec la sortie du nouveau roman d’une auteure à succès Keito Hori intitulé “La Leçon”. En chemin pour se rendre chez Nakata, Kokoro aperçoit la publicité pour l’ouvrage et décide de le lire. Arrivée pour la remise des planches chez son auteur, Nakata lui soumet un problème. Selon lui, la voix d’un de ses personnages ne colle pas avec la nature de celui-ci. Comprenant qu’il parle de la typographie utilisée pour les dialogues, l’éditrice va se mettre à la recherche de l’écriture parfaite, capable de combler le mangaka.

Dans le même temps, la section littéraire est dans le pétrin avec la publication du dernier roman de Keito Hori, les desiderata de la romancière pour la typographie risquant de faire capoter toute l’entreprise. En effet, cette dernière compte sur un unique typographe, le très renommé Gaku Umisaka, pour s’occuper de son texte. Malheureusement, l’homme est débordé et il s’avère que seule Kokoro est capable de le faire changer d’avis. De son côté, Kikuchi doit aider son auteur, Kazuo Hattan, dans l’adaptation de son manga “Le Train Pissenlit” au cinéma, pendant que Nakata est sollicité par un magazine de mode pour une interview. De nouveaux défis à relever pour notre héroïne donc…

Lisez un extrait de Réimp’ ! – Tome 10 ici !

Photo-poison

Autant le volume 9 de Réimp’! était très axé sur Nakata et sa recherche d’un assistant, suite au départ de son ami Kuriyama, autant le tome 10 revient sur la découverte de nouvelles facettes de l’édition de manga ou Nakata repasse au second plan. Ainsi, j’ai beaucoup apprécié en apprendre plus sur le métier de typographe qui semble bien plus essentiel au Japon qu’en France. C’est donc avec surprise que j’ai découvert, dans les pages bonus, que les divers mangas et autres textes que j’ai pu lire au cours de ma vie n’ont pas tous la même typo, même si le lecteur n’y fait pas forcément attention. Il s’agit de ce fait d’un art subtil qui permet de faire ressortir la personnalité d’une œuvre, auquel je compte bien m’intéresser plus avant pour mes futures publications (sans pour autant en arriver au niveau d’exigence de Mme Hori).

En ce qui concerne les chapitres concernant l’adaptation cinéma du Train Pissenlit, je suis plus partagée quant au dénouement où un directeur d’agence accepte de revenir sur son refus d’engager une star dans une production suite à la fronde du producteur et des scénaristes. Certes, cela montre une certaine droiture de pensée, mais je ne suis pas sûre que dans la réalité tout soit aussi simple. Les victoires s’enchaînent pour Kokoro au fil des tomes de Réimp’! (à une ou deux exceptions près), j’en arrive à me demander si le manga de Naoko Mazda ne sacrifie pas le réalisme au profit d’une vision qui, bien que documentée (c’est un fait indéniable), est un peu édulcorée sur les vicissitudes du métier.

Cela étant, ce n’est pas pour me déplaire puisque je cherche avant tout à m’évader d’un quotidien bien trop anxiogène par mes lectures, Réimp’! étant en ce sens parfait pour moi. Si Nakata est un peu en retrait dans ce volume, il est cependant le héros d’un chapitre où il doit donner une interview couplée à une séance photo. Une véritable torture pour le mangaka qui accepte pourtant de se prêter à l’exercice, confiant dans l’assurance de son éditrice. Mais une fois dans le studio tout ne se passe pas comme prévu et Kokoro va se rendre compte de son erreur.

J’avoue qu’étant d’un naturel ouvert, j’ai beaucoup de mal à comprendre les difficultés du poulain de Kurosawa, l’empathie laissant parfois la place à de l’agacement devant ses réactions extrêmes. Pour autant, au fil des tomes, je finis par mieux le comprendre et cela m’ouvre une autre perspective me rendant plus tolérante avec les personnes que je peux croiser dans mon quotidien. J’attends donc avec impatience la sortie du prochain tome pour retrouver avec bonheur le petit monde de Kokoro.

Pour conclure…

C’est donc un dixième tome basé sur la personnalisation des écritures que nous propose Réimp’! au travers de l’édition d’un roman. De quoi découvrir le travail important des typographes chargés de donner une personnalité forte aux textes dont ils s’occupent. Avec les pages bonus, on peut aller plus loin en comparant les différences dans l’utilisation de la typographie entre la France et le Japon. On fait également une incursion dans le domaine du cinéma ou les différences de vision se heurtent souvent de façons frontales et pas forcément pour le bien de l’œuvre adaptée. En gros, Réimp’! tome 10 est un concentré d’informations qui se révèle toujours aussi passionnant à lire. Vite vite la sortie du tome 11 pour continuer à suivre Kokoro dans ses missions.

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