Depuis 2022, l’éditeur Konami capitalise de plus en plus sur l’une de ses licences culte pour les férus de survival-horror : Silent Hill. Entre la réalisation du remake de Silent Hill 2 par la Bloober Team, l’arrivée de la série télé interactive Silent Hill : Ascension et l’annonce du développement de Silent Hill F et Silent Hill : Townfall, l’éditeur japonais multiplie les projets et compte bien remettre la saga sur le devant de la scène. C’est lors du State of Play du 31 janvier 2024 que Konami a surpris tout le monde en annonçant un nouveau Silent Hill inédit et téléchargeable dans la foulée : Silent Hill : The Short Message. Une expérience horrifique très courte, mais totalement gratuite (pour être accessible au plus grand nombre) qui se pose comme un galop d’essai pour la nouvelle garde de développeurs de la firme nippone, soutenus par le studio japonais HexaDrive. Chargés de dépoussiérer drastiquement Silent Hill pour emmener la série vers de nouveaux sommets, ce coup d’essai serait-il en fait un coup de génie ? C’est ce que nous allons voir tout de suite.
Ce test a été réalisé sur une version PS5.
Vous avez un message
Silent Hill : The Short Message commence avec Anita, une adolescente allemande vivant dans la petite ville de Kettenstadt, qui se recueille devant un monument mortuaire. C’est alors que la brume se lève et que la jeune fille perd conscience pour se réveiller au cœur d’un bâtiment abandonné. Un peu confuse, Anita sort son smartphone et remarque un texto de son amie Maya qui lui demande de venir la rejoindre “à la villa” car elle souhaite lui montrer quelque chose. C’est donc dans la peau d’Anita que nous allons explorer le bâtiment à la recherche de la camarade de la lycéenne, mais également des souvenirs liés à cette dernière qui vont amener l’héroïne à s’interroger sur sa présence sur les lieux et sur la nature de l’entité malfaisante qui semble la poursuivre.
La porte est ouverte, que le cauchemar commence ! Vous l’aurez compris, exit la petite ville américaine du Maine qui servait de théâtre à la saga, Silent Hill : The Short Message se déroule en Europe et dans les années 2020, puisque la pandémie de Covid est passée par là et tient même une place de choix dans l’intrigue. Comme son titre le préfigure, The Short Message est une expérience ramassée (comptez entre 2 et 3 heures pour en venir à bout) dont il est difficile de vous donner plus de précision, quant au contenu du scénario, sans rien vous spoiler. Sachez toutefois que même si le lien est ténu, il existe réellement entre la ville américaine et la bourgade allemande. Cette “connexion” est assez intelligente pour justifier dorénavant un cadre mondial aux prochains épisodes, tout en restant parfaitement logique.
Cela étant, aux vues des thématiques très lourdes abordées par le jeu comme le suicide, l’automutilation, le harcèlement et autres, c’est par un écran d’avertissement assez particulier que s’ouvre Silent Hill : The Short Message. Au-delà de donner un lien qui renvoi à une hotline de support pour la santé mentale, il enjoint à se prendre en charge médicalement au besoin et à aider nos proches concernés. Voilà qui aurait pu préfigurer une production poignante tout autant que dérangeante, si les concepts abordés n’étaient en réalité que survolés, la durée de vie étant trop courte pour réellement traiter les problèmes en profondeur et ceux-ci étant trop nombreux pour être développés correctement. Pour autant, la tension et l’horreur psychologique sont omniprésentes tout du long et c’est quand même la base de tout survival-horror, surtout quand il se nomme Silent Hill.
P.T. Téléphone. Maison.
Nous l’avons vu en introduction, Silent Hill : The Short Message est donc une lettre d’intention à l’attention des fans de la série sur ce que pourrait bien devenir leur saga mythique dans les prochaines années. Pour ce faire, les développeurs ont misé sur une référence principale, celle de P.T. une courte démo réalisée par Hideo Kojima et Guillermo del Toro, pour montrer au monde ce qu’allait être Silent Hills sous leur direction. Lancée sur PS4 le 12 août 2014, elle a connu un succès phénoménal, mais fut retirée du store suite à l’annonce de l’annulation du projet.
Dès le départ, l’influence est grande, ne serait-ce que par le choix de proposer au joueur d’incarner Anita en vue à la première personne, le fait que ses seules actions soient d’examiner des objets et de marcher ou courir, que la caméra puisse zoomer sur le décor et que les environnements soient en fait des boucles, même si ce n’est pas toujours évident. Si Konami a mis des nouveaux venus pour réaliser The Short Message, ils ont tout de même pu compter sur des piliers comme Masahiro Itō, le génial designer des monstres les plus célèbres de la série, et Akira Yamaoka, qui signe une fois encore les musiques et le sound design du projet. De quoi rassurer les joueurs et crédibiliser un peu plus cette nouvelle expérience.
Il faut bien le reconnaître, la direction artistique est assez jolie et se balader dans ce complexe désert instille une sensation d’angoisse claustrophobique assez prégnante. Ne vous attendez cependant pas à un déluge de créatures monstrueuses à vos trousses, puisque la menace est ici unique, aussi superbe que repoussante. Une dualité que l’on retrouve dans le rythme du jeu qui enchaîne les moments de paisibles explorations et de stressantes courses-poursuites. Les souvenirs d’Anita concernant Maya sont illustrés par des cinématiques en prise de vue réelle, ce qui peut décontenancer au premier abord, d’autant que la synchro labiale couplée aux voix anglaises n’est pas vraiment optimale. Il aurait peut-être fallu laisser un doublage japonais, quitte à de toute façon perdre en réalisme puisque, rappelons-le, le titre se déroule en Allemagne.
Marathon Woman
Dans Silent Hill : The Short Message le but sera simple, trouver comment sortir de l’immeuble et mettre fin à la boucle infernale de votre réveil dans une des pièces du bâtiment. Pour cela, vous devrez explorer toutes les pièces et lire tous les documents sur votre chemin pour reconstituer le puzzle des événements. De temps en temps, vous recevrez des SMS de Maya et de votre camarade Amélie auxquels vous pourrez répondre de façon automatique. Tout cela déclenchera chez l’héroïne de fréquents flashbacks qui vous permettront au fil du jeu de comprendre les tenants et les aboutissants du scénario. La narration environnementale est également importante, et il ne sera pas rare que vous passiez plusieurs minutes à regarder le décor pour y décrypter des indices, ne serait-ce qu’avec les œuvres peintes de Maya qui vous serviront de guide tout au long de l’aventure.
Cela étant, que serait un jeu d’horreur sans un monstre effrayant à vos trousses ? Pas grand-chose assurément. Même si Silent Hill a fait le choix d’une horreur psychologique, il s’est tout de même illustré avec des monstres cauchemardesques propres à hanter vos pires cauchemars des années durant et cet opus ne fait pas exception à la règle avec un adversaire particulièrement réussi, subtil mélange de poésie et d’étrangeté. À quelques moments dans l’histoire, vous serez amenés à lui échapper et n’espérez pas le combattre, car si les Silent Hill ont toujours misé plus sur la fuite que sur le combat, avec The Short Message, vous n’aurez pas le choix, car Anita n’a en sa possession aucun autre moyen de défense qu’une course effrénée.
Il vous faudra donc trouver le meilleur itinéraire pour semer votre poursuivant, avant qu’il ne vous rattrape, ce qui occasionnera un immanquable Game Over vous forçant à recommencer toute la séquence. Une répétition qui risque de vous faire grincer des dents tant elle arrive assez fréquemment. Heureusement votre smartphone ne quittera pas votre main de toute l’aventure, vous servant de lampe torche tout autant que de moyen de communication. Aussi, il vous indiquera par la fréquence de ses vibrations si votre ennemi se rapproche, ce qui augmentera encore un peu plus votre panique.
Les fleurs du mal
Vivre avec un spécialiste des jeux d’horreur a au moins un avantage, c’est que je n’ai pas eu à me poser de question quant à mon envie de découvrir Silent Hill : The Short Message. Dès l’annonce de sa disponibilité, nous l’avons mis à télécharger et nous nous y sommes attaqués dès que nos plannings nous l’ont permis. En découvrant que le jeu se jouait à la première personne, j’ai craint un réveil en fanfare de ma cinétose, ce qui n’a pas été le cas, contrairement au stress qui m’assaille dès que je m’attaque à un titre suscitant la peur. Il faut le reconnaître, à force d’enchaîner les tests de survival-horror, je commençais à moins ressentir cette angoisse et j’étais donc confiante en ma capacité à me plonger dans cette histoire courte.
Ce fut une grossière erreur, car très vite, il m’est apparu que j’étais particulièrement réceptive au sentiment de malaise et d’isolement que distille le jeu. Les phases de fuites ont également été plus qu’éprouvantes, et j’aurais aimé que le monstre soit un peu plus clément en ne nous tuant pas du premier coup, avec la possibilité de se dégager une à deux fois avant de connaître un destin funeste. Car trouver son chemin dans un dédale peu éclairé où tous les embranchements se ressemblent tient de la gageure, surtout quand on est envahi par la panique d’être alpagué par l’aberration sur nos talons. Cependant, une fois que j’ai compris que les labyrinthes étaient en fait des boucles si l’on se trompait de chemins, il ne m’a pas fallu plus de quelques essais pour trouver la sortie.
En ce qui concerne l’intrigue, elle m’a beaucoup plu en ce sens qu’elle m’a rappelé certains souvenirs, tout en me permettant de (plus ou moins) les exorciser au travers du personnage d’Anita. J’ai vraiment beaucoup aimé cette petite expérience que nous a offerte Konami et même si ce n’est pas la plus aboutie des aventures du studio japonais, elle a tout de même le mérite d’être originale, terrifiante et en premier lieu gratuite, ce qui à mon sens excuse une bonne partie de ses petits défauts.
Silent Hill : The Short Message est une expérience assez courte et conçue pour donner l’occasion à la nouvelle garde de développeurs du studio Konami de donner leur vision de Silent Hill. En ce sens, il possède les défauts classiques de ce genre de projet, avec des thèmes intéressants, mais survolés, des phases de poursuites frustrantes, car chaque erreur y est fatale, et une interactivité limitée, notamment avec le smartphone qui est pourtant un élément central de l’histoire. Pour autant, il est difficile de ne pas adhérer avec la vision présentée ici, spécialement quand il inclut un monstre de Masahiro Itō, designer de créatures iconique de la saga et un sound design signé Akira Yamaoka, compositeur phare de la licence. Certes, Silent Hill : The Short Message est perfectible, mais il ne pêche que par son statut de projet expérimental et sa gratuité fait que l’on est plus qu’enclin à passer outre, pour vous conseiller vivement de découvrir ce Silent Hill nouvelle génération.
La note de la rédaction
Les notes de la rédaction
Les points positifs
La modernité des propos abordés qui collent à notre époque
Le design du monstre, créé par Masahiro Itō, est particulièrement réussi
La narration environnementale est très maîtrisée
La musique d’Akira Yamaoka sublime l’ensemble
L’horreur et la tension parfaitement instillée tout au long de l’expérience
Les points négatifs
Les phases de poursuites pendant lesquelles la moindre erreur est fatale et qui se révèlent vite très frustrantes
Trop de thématiques regroupées en un seul scénario qui fait que l’on reste en surface et c’est dommage
Une plus grande interactivité avec le smartphone aurait permis au gameplay de gagner en profondeur