Rencontre avec Raphaël Lucas

Photo de "Raphaël lucas"
  • GBG : Bonjour Raphaël. Tout d’abord, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions.

Raphaël Lucas : C’est moi qui vous remercie d’avoir pensé à m’inviter !

  • GBG : Pour ceux qui ne te connaîtraient pas, pourrais-tu te présenter ?

Raphaël Lucas : Alors… Je suis journaliste spécialisé jeu vidéo depuis un peu plus de vingt ans. J’ai aussi été journaliste/critique cinéma il y a une vingtaine d’années, ce qui m’a permis d’interviewer des réalisateurs, des acteurs… J’ai travaillé dans à peu près toutes les rédactions JV existantes depuis 2002, à l’exception de Canard PC. Mais les années les plus formatrices ont été chez Joypad : on était complètement libres d’écrire le magazine que l’on souhaitait !

  • GBG : Les Histoires de Prince of Persia : Les 1001 vies d’une icône est ton 6ème livre chez Third Edition, on pourrait dire que tu y es un habitué ! Tu choisis tous tes sujets ? Est-ce qu’on peut dire que tes livres portent tous sur tes sagas de prédilection ?

Raphaël Lucas : En fait, c’est très variable. Il m’arrive de proposer certains sujets, et à d’autres moments, ce sont les éditeurs qui viennent me voir pour me souffler un thème, un personnage. Chez Third, l’impulsion vient plutôt de Mehdi et Nico, ils sont venus me voir en 2012 pour me proposer de terminer le livre sur BioShock, puis celui sur Final Fantasy IX. Par la suite, je leur ai proposé L’histoire du RPG – je suis amateur du genre depuis le milieu des années 80 -, puis ils sont revenus avec Final Fantasy I-II-III que j’ai accepté parce que j’allais pouvoir parler de l’Apple II, de Nasir Gebelli (le premier programmeur de la franchise), des allers-retours entre Japon et Occident, des inspirations profondes de Final Fantasy…

Sur Prince of Persia, c’est Mehdi qui s’est dit que cela pourrait m’intéresser : Jordan Mechner voulait absolument un journaliste, et je sortais tout juste d’un ouvrage principalement constitué d’interviews (L’œuvre de Peter Molyneux). Et, comme je l’ai dit, l’Apple II est une machine que je connais bien, et j’avais quelques anecdotes personnelles sur la franchise, étant l’auteur du tout premier article sur Prince of Persia 2008, paru dans Joypad et traduit par Kotaku et d’autres sites… Bref, ça collait bien.

Et pour répondre à ta question, oui, mes livres portent sur des sagas, des jeux qui ont émaillé ma vie, qui sont pour la plupart une part de moi, comme l’on dit que certains événements, certaines rencontres nous transforment (un peu) : Castlevania : Symphony of the Night, Soul Reaver, The Witcher, BioShock, Populous ou Powermonger, etc. sont tous en moi, en souvenirs, et rejoués/ravivés pour les besoins de l’écriture… Je parle souvent de ça, de cette persistance de ces univers, dans mes ouvrages, notamment dans celui de Legacy of Kain (Soul Reaver). Ce ne sont pas que des jeux, mais des aventures, des lieux, des personnages qui nous ont accompagné, nous accompagnent toujours. Là, vibrants si on les rappelle à nous.

  • GBG : Tu as également écrit des ouvrages pour Omaké Books et Pix’n Love. Comment abordes-tu le travail sur tes différents livres ? As-tu une façon de faire récurrente ou adaptes-tu ta méthode de travail selon l’éditeur ?

Raphaël Lucas : Au tout début, je différenciais vraiment mon travail d’écriture pour l’un ou l’autre, avec un style plus épuré pour Pix’n Love. Mais depuis Aux origines de Castlevania : Symphony of the Night, L’histoire du Cyberpunk et Prince of Persia (après une demi-dizaine de livres…), je crois avoir trouvé ma voix, la façon dont je veux vraiment écrire. Ces trois ouvrages ont été libérateurs, de même que le Legacy of Kain et le Molyneux… Ou encore ce roman un peu expérimental que j’écris sur les Fées de Cottingley. Je me suis dit, « Allons-y ! Essayons des trucs ! Amusons-nous !», des phrases plus longues, plus articulées, d’autres plus courtes, des jeux parfois sur la maquette, à la manière de La maison des feuilles de Danielewski, mais en beaucoup, beaucoup plus simple et accessible. Plus ludique.

Exemple de page de "la maison des feuilles" de Danielewski

Aujourd’hui, j’écris de la même façon pour tout le monde, et je dois avouer que je m’amuse bien.

  • GBG : Tu viens de la presse magazine à la base, et tu écris encore pour le site Gamekult ainsi que pour Jeux Vidéo Magazine. Comment en es-tu venu à l’écriture ?

Raphaël Lucas : Ah, l’envie d’écrire ! Au milieu des années 1980, alors que j’arrive au collège, je m’immerge dans les livres dont vous êtes le héros et dans les jeux de rôle papier, et je commence alors à écrire mes propres systèmes, mes univers, m’inspirant évidemment de ceux que je connais, mais aussi de jeux vidéo, de Computer-RPG comme Ultima IV que je découvre à peu près au même moment. Entre la sixième et la quatrième, j’ai dû écrire (parfois sans les terminer) trois systèmes de jeu. Tout était écrit à la main, et j’utilisais des classeurs pour intégrer et ranger les différentes parties au fur et à mesure de leur rédaction.

écran d'"Ultima 6"

De là, j’ai aussi commencé à écrire de la fiction, des nouvelles. Je notais aussi mes rêves après avoir entendu dans l’émission Temps X (oui, celle des frères Bogdanov) que c’était une des voies pour trouver l’inspiration. D’ailleurs, en lisant le roman Orbitor de Mircea Catarescu, je me suis rendu compte de similitudes étonnantes entre ses rêves d’enfant et les miens…  Au lycée de Montgeron, j’ai participé au P’tit Monstre, un fanzine, où j’écrivais sur Stephen King, Clive Barker, Lovecraft. En cherchant bien, on peut encore dénicher quelques-uns de ces textes, scannés, sur Internet… Je n’en suis pas vraiment fier, mais il faut bien commencer.

livres de "Stephen King"

Au lycée, à la fac (à la Sorbonne, en Histoire), je passais mes soirées et mes vacances à écrire des romans. Je dois en avoir rédigé quatre à l’époque, très inspirés par Barker, par la dark fantasy… Bref, la fac terminée, il a fallu trouver un travail… Et j’ai commencé à démarcher dans plusieurs magazines, et je me suis retrouvé d’une part chez PC Team, et de l’autre dans des magazines de cinéma, notamment de fantastique.

En plus des livres sur le jeu vidéo, j’ai deux romans en cours, et pleins d’idées d’histoires qui jaillissent de temps de temps et que je note en espérant trouver le temps de les développer un jour.

"Hellraiser" de Clive Barker

Ah, ai-je dit que j’étais fan de Clive Barker ?

  • GBG : Sur Prince of Persia, tu rapportes énormément de propos des créateurs de la saga. Était-ce compliqué de les contacter ? Se sont-ils facilement prêtés au jeu ?

Raphaël Lucas : De manière générale, et à part s’il y a des embargos, les développeurs sont assez faciles à avoir en interviews. Demander des interviews, c’est une habitude que j’ai prise avec Joypad pour les dossiers de fond, et les Longues Interviews de créateurs. J’en propose en lecture sur mon blog pour ceux qui n’auraient pas pu les lire.

Pour moi, les interviews, c’est le cœur même du texte. On a la chance d’avoir des développeurs qui étaient là depuis les tout débuts du jeu vidéo, et même s’ils vieillissent, s’ils ont oublié certaines anicroches, il y a toujours des fragments, des restes, des moments-clefs qui demeurent accrochés à leur mémoire. Et de l’interview, c’est de l’humain, de la voix, des instants vécus, des idées qui se construisent, se charpentent autour d’un concept original. C’est ce que j’essaie de saisir de plus en plus : l’humain derrière la machine, derrière le code. L’humain, ce sont les coups de génie, les égos, les colères, la passion, les frictions… Plus qu’une collection de faits, j’espère réussir à transmettre la structuration de la pensée, le développement des idées au travers de mes livres.

  • GBG : Tu as également un blog (Geekomatick.com) sur lequel tu écris régulièrement. Où trouves-tu le temps de tout faire ?

Raphaël Lucas : Les nuits sont courtes, mais je crois que c’est cette double passion pour l’écriture (je viens de découvrir L’obscène oiseau de la nuit de José Donoso, et c’est fou !) et pour le jeu vidéo (et pour le cinéma…) qui fait que je continue d’écrire autant. J’adore ça : écrire, retravailler les phrases (quitte à parfois laisser traîner des mots qui n’ont plus rien à faire là), penser la structure, les rebonds, etc. Il n’y a pas d’ambition d’écrire de telle ou telle façon, juste celle de s’amuser. Pour moi, écrire, c’est un jeu, et j’essaie d’embarquer le lecteur à ma suite… Après, c’est un jeu qui peut devenir chronophage si l’on s’embourbe, ce qui m’arrive parfois.

Retrouvez le blog de Raphaël Lucas ici !

  • GBG : Je crois savoir que tu as une passion pour le RPG. Quel est ton dernier coup de cœur vidéoludique ?

Raphaël Lucas : Oui, les RPG, les jeux de rôle papier, mais aussi les Shoot them up, les survival… 😉 En termes de RPG, mon dernier coup de cœur… Je dirais un peu comme tout le monde Elden Ring qui a été un véritable coup de foudre. Je suis FromSoftware, et la franchise, depuis Demon’s Souls (quand personne n’y croyait…). J’ai même été invité à des présentations privées, à des interviews avec Miyazaki… Les Souls, c’est vraiment l’idée que je me fais du parfait mariage entre le jeu vidéo, le jeu de rôle papier et les livres dont vous êtes le héros. Sinon, FFVII Remake (la claque FF VII en 1997…), Kingdom Hearts III et plus récemment Weird West qui est une petite bombe d’Immersive Sim…  En fait, il y en a trop !

Image de "Elden Ring"
  • GBG : Une petite dernière pour la route : aurais-tu une petite exclu à nous partager sur tes futurs projets ?

Raphaël Lucas : De manière générale, si je suis fan d’une série, d’un jeu, j’ai aujourd’hui tendance à proposer directement à un éditeur un ouvrage sur le sujet. Je crois avoir laissé quelques pistes dans cette interview… Il y a tellement de sujets, de développeurs sur lesquels j’aimerais écrire, sur d’autres titres de l’ère PSone notamment, sur Clive Barker (je vous ai dit que…), sur certains créateurs…

  • GBG : Merci Raphaël !

Raphaël Lucas : Merci à vous !

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