Rencontre avec Hiroshi Matsuyama – Japan Expo 2022

"Hiroshi Matsuyama" président de CyberConnect2

Alors que la suite de Fuga Melody of Steel était annoncée le 14 juillet 2022, à l’occasion de la venue à Paris de M. Hiroshi Matsuyama, le président du studio japonais CyberConnect2, nous avons pu le rencontrer durant sa venue à la Japan Expo 2022. Le bon moment pour lui demander de plus amples renseignements sur les projets en cours du studio.

  • GBG : M. Matsuyama bonjour. Tout d’abord, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Pour ceux qui ne vous connaissent pas, je vais tenter de vous présenter. Vous êtes le président du Studio CyberConnect2, mais vous êtes également réalisateur d’anime, compositeur, lead designer, directeur artistique et producteur de jeux vidéo. Ça fait beaucoup pour un seul homme, non ?

Hiroshi Matsuyama : Ah ce n’est pas comme ça en France ? Le président d’une compagnie de jeux vidéo se doit d’être créatif et de toucher un peu à tout, c’est à peu près comme ça dans toutes les compagnies de jeux vidéo au Japon. Après, il y a des studios où la création est complètement séparée, comme cela se produit en France. Mais vous avez une autre partie des studios où le président intervient dans plusieurs domaines de la conception, comme par exemple Hideo Kojima, le créateur de la série Metal Gear.

  • GBG : Si l’envie nous en prenait, comment fait-on pour devenir président de CyberConnect2 ?

Hiroshi Matsuyama : Pour ça, il faudrait d’abord se faire embaucher dans la société, puis faire en sorte de me faire assassiner. Après vous pourrez créer CyberConnect3. (rire)

Pour ne rien louper des actualités du studio CyberConnect2, retrouvez leur site officiel ici !

  • GBG : CyberConnect2 est surtout connu pour ses adaptations en jeux vidéos de licences d’anime comme Naruto ou plus récemment Demon Slayer et Jojo’s Bizarre Adventure. Quand on développe ce type de projet, comment compose-t-on avec les attentes des fans ?

Hiroshi Matsuyama : En ce qui concerne Naruto, nous étudions en profondeur ce que les fans aiment, que ce soit dans l’anime, le manga ou les personnages par exemple, et nous nous basons sur ça pour créer nos jeux. Au studio, nous possédons 15 exemplaires de chacun des 70 tomes de Naruto et les employés peuvent les consulter régulièrement. Ils sont d’ailleurs obligés de les lire et d’en mémoriser le contenu. Pareil pour les quelque 1000 épisodes de l’anime que nous regardons tous très régulièrement. Je crois que peu de monde connaît et aime Naruto plus que nous à CyberConnect2 et s’il y en a, qu’ils viennent rejoindre notre équipe.

"JoJo's Bizarre Adventure : All-star Battle R" est un jeu de Cyberconnect2

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  • GBG : Il fut un temps où les jeux à licence avaient l’image de jeux bâclés réalisés pour faire de l’argent facilement. Ce n’est plus le cas depuis de nombreuses années, avez-vous conscience d’avoir permis de changer cette image négative ?

Hiroshi Matsuyama : Oui, nous en avons conscience et c’est intentionnel ! Il y a 20 ans, j’ai déjà eu ce genre de discussion avec Bandai Namco. Quand j’étais jeune, je jouais à énormément de jeux vidéos adaptés de manga et au Japon, à cette époque, ces jeux étaient littéralement des jeux de m*****e. À cette période, je voulais retrouver les créateurs de ces jeux et les tuer (rire). Je me suis donc juré que quand je serai moi-même devenu créateur, je ne créerais jamais ce genre de jeu et que je les réaliserais avec sérieux afin de ne pas décevoir les attentes des fans du monde entier. J’avais la conviction que c’est seulement ainsi que je pourrais changer l’industrie du jeu vidéo, pour que même les autres studios ne puissent plus sortir des titres à licence qui ne seraient pas de qualité.

la licence "Naruto" en jeux vidéo est développé par CyberConnect2

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  • GBG : Vous avez travaillé sur de nombreux jeux .hack et Naruto. N’est-il pas difficile de se renouveler et de toujours proposer de nouvelles idées de gameplay au fil des épisodes ?

Hiroshi Matsuyama : Notre philosophie, quand nous sortons un jeu, c’est qu’il ne puisse pas en exister de meilleur et qu’il soit impossible de l’améliorer plus que la version que nous proposons aux joueurs. C’est avec cette idée toujours en tête que nous développons nos titres. Finalement, une fois le jeu sorti, les développeurs trouvent de nouvelles idées et ont de nouvelles envies. C’est ainsi que quelques années plus tard, nous revenons pour proposer un nouveau concept qui inclura ces nouvelles idées. C’est un cycle qui se répète depuis plus de 20 ans. La puissance des consoles nous permet également de faire évoluer nos productions. Grâce à cela, nous pouvons explorer de nouvelles façons de faire impossibles auparavant et de nouvelles visions arrivent en parallèle.

.hack est une jeu développé par les équipe de "Hiroshi Matsuyama"
  • GBG : Tail Concerto, le premier jeu du studio, est devenu une base pour développer un univers étendu, puisque Solatorobo : Red the Hunter et Fuga Melody of steel se déroulent dans le même univers. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Hiroshi Matsuyama : Effectivement, Tail Concerto était notre premier jeu créé il y a 26 ans. 10 ans plus tard est sorti Solatorobo : Red the Hunter, puis encore 10 ans après est sorti Fuga. Dès le départ, l’univers de Tail Concerto a été conçu avec l’intention de l’étendre au fur et à mesure des jeux. Comme vous le savez, Tail Concerto, Solatorobo et Fuga existent tous sur des consoles différentes et leur gameplay est totalement différent, mais ils possèdent trois choses en commun. 3 thèmes, 3 mots clés, qui se retrouvent dans les trois titres. Le premier, ce sont les animaux anthropomorphiques qui les peuplent, en second les robots, et enfin les titres prennent place sur des continents flottants, un peu comme dans « Laputa, le château dans le ciel ».

Tail concerto le premier jeu de CyberConnect2 sous l'égide de "Hiroshi Matsuyama"
  • GBG : Fuga, dont la suite vient d’être annoncée, est un jeu avec un sujet assez complexe à traiter. L’enfance en temps de guerre est souvent évoquée dans les jeux vidéos, mais il s’agit rarement de développer un attachement avec une bande de gamins avant de devoir choisir de les sacrifier pour alimenter une arme. Comment aborde-t-on ce type de projet ?

Hiroshi Matsuyama : Je voudrais tout d’abord clarifier une chose. Fuga n’a pas pour but de montrer une participation des enfants à la guerre de leur propre chef, mais plutôt qu’ils ont été poussés à y prendre part malgré eux. Le but de Fuga est de questionner le joueur pour savoir quelles seraient ses décisions dans ce cas-là. Évidemment, ces enfants ne sont pas des professionnels de la guerre et un groupe d’enfants à bord d’un tank n’a, soyons réaliste, aucune chance de gagner.

le "Taranis" tank principal dans "Fuga Melody of Steel

Du coup, ils se retrouvent souvent confrontés à des situations de mort imminente et c’est la raison pour laquelle nous avons équipé ce tank d’une arme ultime qui, en échange de la vie d’un seul enfant, permet de sauver tout le groupe. Le joueur se trouve donc face à un dilemme et il devra soit essayer de se débrouiller pour s’en tirer sans sacrifier personne, soit se résigner à sacrifier un enfant pour continuer l’aventure. Je comparerais ça avec Fire Emblem de Nintendo, où l’aventure se poursuit même si l’un des personnages meurt. Cependant, dans le cas de Fuga, le but du joueur sera de s’efforcer à finir l’histoire sans sacrifier aucun des gamins.

  • GBG : Le fait d’auto-éditer Fuga était un moyen d’avoir une liberté totale sur le projet, mais c’est également une grosse prise de risque pour le studio. N’y a-t-il pas eu un moment où vous avez eu peur que le projet ne soit pas compris par les joueurs ?

Hiroshi Matsuyama : Nous n’avions pas vraiment d’inquiétude sur le sujet. Cela fait 26 ans que nous travaillons à la demande d’éditeurs pour créer des jeux et comme Fuga est notre premier projet auto-édité, nous y avons mis beaucoup de ressources. À la base, nous voulions le terminer en un an et demi. Cela nous en aura pris trois au final, mais nous n’avons jamais douté d’avoir créé un très bon jeu. Nous savions que Fuga arriverait à trouver son public, où qu’il soit. Un jour, un collaborateur de M. Miyazaki au studio Ghibli m’a dit : « Si l’on crée quelque chose de vrai, de véritable, il est certain que cela nous apportera quelque chose au bout du compte ».

  • GBG : Fuga est le premier volet de ce que vous appelez la trilogie de la vengeance, avec Tokyo Ogre Gate et Cecil. Pouvez-vous nous parler un peu plus de ces autres projets ? Quelle sera la place de Fuga 2 dans cette fameuse trilogie ?

Hiroshi Matsuyama : Pour Fuga, le développement qui était prévu pour un an et demi a duré trois ans, et nous nous retrouvons confrontés au même problème pour Cecil et Tokyo Ogre Gate. Mais d’un autre côté, ce temps en plus nous permet de rendre ces jeux bien plus intéressants. Il faudra donc attendre un peu puisque nous avons prévu de nous recentrer sur Fuga 2 pour le moment. Comme vous l’avez dit, ces trois jeux (Fuga, Cecil et Tokyo Ogre Gate) font partie de la trilogie de la vengeance et chacun de ces titres est une trilogie. Il y aura donc trois épisodes de Fuga, dont l’un des titres sera même adapté en manga.

  • GBG : L’annonce de Fuga 2 est une excellente nouvelle pour les fans, mais de votre côté, si j’ai bien compris, vous avez toujours vu Fuga comme une trilogie ?

Hiroshi Matsuyama : Effectivement, nous l’avions déjà décidé, mais nous ne l’avions encore jamais annoncé.

Retrouvez toutes les infos sur Fuga 2 sur le site officiel ici !

  • GBG : Pourquoi avoir choisi la France durant la seconde guerre mondiale comme théâtre pour les événements de Fuga ? Est-ce parce que le réalisateur du jeu (NDR : Yoann Gueritot) est français ?

Hiroshi Matsuyama : Non, ça n’a rien à voir, c’est juste une coïncidence. Pourquoi Fuga se passe-t-il en France ? Eh bien, les joueurs auront la réponse quand ils découvriront la véritable fin de Fuga.

  • GBG : Pour la dernière question, je me fais le porte-parole de beaucoup de vos fans qui voudraient savoir : À quand un remake d’Asura’s Wrath ?

Hiroshi Matsuyama : Pour ce genre de demande, il faut voir avec Capcom, et j’invite tous les fans à les contacter. Qui sait, peut-être qu’après, Capcom nous appellera pour faire la suite.

Asura's Wrath est un des jeux  de CyberConnect2 sous l'égide de "Hiroshi Matsuyama"
  • GBG : Merci beaucoup M. Matsuyama pour cette interview.

Hiroshi Matsuyama : Merci à vous.

Pour conclure…

Un grand merci à Japan Expo d’avoir organisé cette rencontre, au traducteur pour avoir traduit les questions et les réponses et à M. Matsuyama du temps qu’il nous a consacré et d’avoir accepté de nous répondre.

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