Fondé en 2008 à Cracovie, ce n’est qu’en 2016 que le Studio Bloober Team deviendra synonyme de terreur, avec la sortie de son premier jeu du genre : Layers of Fear. Cette production qui revisite les mécanismes de la peur psychologique, en utilisant en grande partie son ambiance de façon extrêmement efficace, a traumatisé un certain nombre de joueurs, dont moi je l’avoue sans honte. Après la sortie d’un DLC nommé Layers of Fear : Inheritance où l’on voyait la fille du couple d’artistes revenir sur les lieux de son enfance, un Layers of Fear 2 a vu le jour en 2018, mettant en scène la plongée en enfer d’un acteur lors d’un tournage sur un bateau. Nous sommes désormais en 2023 et c’est le 15 juin qu’est apparu, sur PC, PS5 et Xbox Series, un nouvel opus de la saga, développé conjointement avec Anshar Studios, logiquement intitulé… Layers of Fear. Durant toute la production les joueurs se sont interrogés sur ce qu’était cet épisode, un remake du premier Layers of Fear ? Un reboot peut-être ? Ou encore un véritable numéro 3 ? Rien de tout cela, et il nous a fallu attendre de mettre la main sur le titre afin de comprendre réellement l’expérience que le studio nous proposait de vivre. On a ouvert la porte, on n’était pas prêts pour ce qui se cachait derrière…
Ce test a été réalisé sur une version PS5 fournie par l’Éditeur.
Bloober Team studio de dévelo-peurs
Avant de se lancer dans un quelconque test, il convient d’abord de comprendre à quoi l’on va jouer. Annoncé au Tokyo Game Show 2021, et d’abord prévu pour une sortie en 2022, Layers of Fear était annoncé comme une réunion des deux épisodes de la série, incluant le contenu additionnel. Un moyen de faire revivre la licence qui a fait connaître Bloober Team du grand public, tout en la repensant avec la maturité et l’expérience qu’a acquise le studio au travers de ses autres productions comme The Medium (2021), Blair Witch (2018) et Observer (2017). Un temps nommé Layers of Fears, le projet s’est vu renommé Layers of Fear, embrouillant un peu plus la communauté gaming, déjà perdue par la communication pas toujours simple du studio.
En tout état de cause, Layers of Fear 2023 reprend donc les deux épisodes déjà sortis et le DLC Inheritance, en leur ajoutant deux segments inédits, l’un permettant au joueur de voir les évènements du premier opus du point de vue de la femme du peintre maudit et l’autre où l’on incarne une romancière qui se rend dans un phare isolé pour écrire un livre sur la vie dudit peintre. Cette dernière faisant le lien entre les différentes parties afin de créer une intrigue cohérente de bout en bout. Bien entendu, je vais tenter de ne pas trop vous en révéler les ficelles, tant le scénario, ses surprises et la compréhension qu’en aura chaque joueur est primordiale dans l’appréciation de ce titre.
Le jeu du peint sot
Une fois l’écran titre passé, nous rejoignons une femme qui vogue vers une île dont nous voyons surtout le phare qui se dresse en arrière-plan. Nous comprenons très vite qu’il s’agit d’un retour dans un lieu qu’elle connaît déjà, où elle a tout perdu et dont elle compte bien se venger d’une manière ou d’une autre. Après avoir poussé la porte du phare, nous voilà catapultés dix ans auparavant, le jour de l’arrivée de cette femme, qui semble avoir gagné un concours d’écriture lui donnant la possibilité de s’isoler dans ce lieu pour y écrire un roman traitant de la vie et de la déchéance d’un peintre. La romancière tout comme l’artiste étant anonymes. À peine ses bagages posés et un rapide tour du propriétaire effectué, elle est contactée par l’organisation du concours qui la somme de se mettre au travail sur le champ sans plus perdre un seul instant.
Interloqué, notre avatar s’interroge sur le pourquoi d’un tel empressement, mais finit tout de même par s’asseoir devant sa machine à écrire, ses doigts se mettant à pianoter sur les touches. Nous sommes alors transportés dans une immense demeure où notre enveloppe corporelle est désormais celle d’un homme, un artiste peintre renommé qui, avec sa femme pianiste de génie, à fait le bonheur des critiques artistiques. Mais tandis qu’il se rend dans son atelier afin de travailler, et découvre une toile blanche à l’exception d’une tache rouge, un mot apparaît sur le linteau de la porte nous enjoignant de quitter la pièce. C’est là que les problèmes vont commencer pour notre artiste qui va se perdre dans les méandres changeant de sa demeure tout autant que dans sa propre folie créative.
Le manoir des supplices
Basé avant tout sur son ambiance et sur l’exploration, il faut bien reconnaître que niveau commandes, Layers of Fear fait le strict minimum. À peine faut-il appuyer sur R2 pour ouvrir les portes (en se déplaçant en même temps afin que l’illusion d’ouvrir soi-même la porte soit totale) et déclencher les interactions dans les environnements. Une simplicité bienvenue qui laisse au joueur tout le loisir de s’immerger dans l’ambiance, tant visuelle qu’auditive. Car il faut bien le souligner, la beauté – résolument photo réaliste – de ce qui se déroule sous nos yeux est bluffante. Deux raisons principales à cela : tout d’abord l’utilisation du moteur Engine Unreal 5 et son cortège de 4K, HDR et Ray Tracing, et ensuite un sound design maîtrisé et dont le génie est magnifié par l’utilisation d’écouteurs, sans oublier quelques thèmes forts signés Arek Reikowski.
À peine quelques bugs bloquants viennent-ils noircir le tableau, mais il est très facile d’en faire abstraction d’autant qu’un patch viendra aisément à bout de ces rares désagréments. Petit ajout, nous avons désormais accès à une lanterne qui permet durant un laps de temps limité de s’éclairer en maintenant L2 et de détruire les entités malfaisantes, de révéler des items cachés ou de résoudre certains puzzles par maintien conjoint de L2 et R2. Pas de panique si vous n’êtes pas un professionnel des énigmes, celles-ci sont assez intelligentes, intuitives et bien amenées pour ne pas vous bloquer trop longtemps (mais en faisant tout de même travailler vos neurones). Votre principal souci sera de vous orienter dans les environnements, quand même le simple fait de vous retourner peut faire apparaître des éléments dans le décor ou faire disparaître une porte.
Pour ceux qui ont déjà traîné leurs guêtres du côté des deux premiers épisodes de Layers of Fear, vous aurez le souvenir que si dans le deux on était poursuivi tout du long par une sorte de démon enfantin, ce n’était pas le cas dans le premier. Afin de créer une cohérence, les développeurs de la Bloober team ont donc décidé d’ajouter un ennemi récurrent dans les segments du peintre et de la musicienne, ce qui ajoute encore un peu plus de stress, à l’angoisse ressentie lors de nos déambulations dans la maison.
Enfin, afin de rendre votre expérience encore plus unique, sachez que certains choix fait dans le jeu, comme privilégier un itinéraire plutôt qu’un autre qui vous sera par la suite inaccessible, vous débloquera une des diverses fins possibles pour chaque segment. Il est toutefois possible, une fois le jeu terminé une première fois de reprendre votre partie au chapitre vous intéressant, afin d’y prendre un autre embranchement et donc de trouver les documents ou objets manquants.
Tu es bla-phare !
Je possède avec Layers of Fear premier du nom, une histoire assez particulière, dans la mesure où il s’agit du premier jeu d’horreur que j’ai suivi d’un bout à l’autre avec mon mari, alors en charge de la manette. Il faut vous dire que je suis très peureuse (ça je pense que vous l’aviez déjà compris), l’immersion impliquée par le contrôle d’un avatar, ainsi que l’identification qui en découle, étant pour moi extrêmement compliquée. Seulement voilà, j’ai trouvé dans le titre de la Bloober Team une peur si subtile, si parfaitement amenée, qu’il m’a été incapable de décrocher, alors même que la vue à la première personne me rendait malade au bout d’un certain temps de jeu.
Bien qu’ayant nettement moins aimé Layers of Fear 2, quand l’annonce m’est parvenue d’un nouveau jeu estampillé du nom de la série, il m’a été impossible de passer à côté. Puis, je l’ai reçu et le cauchemar a pu recommencer. Dès le début, le titre m’a surprise en introduisant le personnage de cette écrivaine qui vient chercher sa revanche. Sur qui ? Sur quoi ? On l’ignore encore. Au bout de plusieurs minutes de flashback, nous racontant les circonstances de la venue de cette femme dans ce phare isolé, visiblement pour écrire un livre, changement de lieu et d’ambiance puisque nous voilà revenus dans le manoir, théâtre de la déchéance du peintre du premier épisode. J’ai adoré me replonger dans mes souvenirs, retrouvant immédiatement mes marques (et mon motion sickness par la même occasion), sans pour autant arriver à anticiper les jump-scares d’autant plus importants que j’étais cette fois-ci aux commandes.
Il faut bien le reconnaître, cette idée d’apporter un nouvel éclairage en incluant une partie se jouant du point de vue de la pianiste, était excellente puisqu’elle nous permet d’avoir désormais le point de vue des trois protagonistes de la famille, nous montrant à quel point tout n’est pas aussi simple dans leurs relations et la façon dont la folie latente du père est perçue. Le jeu joue également beaucoup sur la peur enfantine du noir, et je me suis souvent retrouvé de longues secondes tétanisée incapable de sortir ma lampe pour éclairer cette obscurité, limite rassurante, me cachant ce que j’angoissais de découvrir une fois la lumière revenue. Là encore on craint non pas les ténèbres, mais ce qu’elles peuvent potentiellement cacher.
Si j’ai été moins séduite par la perspective d’inclure des ennemis, là où il n’y en avait originellement pas, je me suis perdue avec plaisir dans les méandres de ces esprits torturés par une folie que l’on sent de plus en plus importante au fil du temps. Chaque passage est un délice, oui même celui de Layers of Fear 2 qui m’était pourtant tombé des mains, qui en s’incluant dans ce Layers of Fear 2023 prend une dimension qu’il n’avait, selon moi, pas jusqu’à présent. Certes, je suis assez bon public en général, mais avec ce titre, j’ai vraiment assisté à une masterclass durant la vingtaine d’heures qu’a duré mon exploration. Un chef-d’œuvre, autant qu’une expérience unique, de laquelle je ne suis pas encore tout à fait sortie à l’heure actuelle.
Vous l’aurez compris, ce Layers of Fear nouvelle génération est en fait un regroupement de Layers of Fear et de son DLC, ainsi que de Layers of Fear 2, le tout relié par un chapitre totalement inédit : The Writer et agrémenté d’une partie tout aussi inédite, nous montrant les évènements dépeint dans Layers of Fear, du point de vue de la femme du peintre. Cela aurait pu être tout, mais Layers of Fear 2023 est pourtant tellement plus. Grâce à l’utilisation de l’Engine Unreal 5, le jeu se dote de graphismes superbes renforçant au maximum l’immersion dans l’horreur que vont nous faire vivre les différents segments. Vous vous demandez sûrement l’intérêt d’investir si vous avez déjà joué à tous les opus de la saga, eh bien la réponse est simple, la Bloober Team ne s’est pas reposée sur ses lauriers, en se contentant de refaire les graphismes de ces titres précédents, ils y ont aussi inclus nombre de petites surprises, et la partie avec l’auteure qui lie toute l’histoire permet à la franchise de former un tout cohérent. Le jeu ultime pour le studio, qui arrive enfin à raconter son récit tel qu’il le voulait, sorte de point final pour lequel, croyez-moi, vous n’êtes absolument pas prêts.
La note de la rédaction
Les notes de la rédaction
Les points positifs
Une ambiance terrifiante et psychologiquement perturbante
La refonte graphique et l’utilisation de l’Engine Unreal 5 qui rend les jeux encore plus beaux
Un sound design et la musique qui renforcent l’angoisse latente
L’ajout d’une trame inédite qui lie efficacement tous les éléments de l’intrigue du premier et du second opus
L’environnement qui se restructure en permanence sous nos pas et qui donne lieu à une scénographie parfois bluffante de créativité
Les points négatifs
La vue à la première personne causant un motion sickness assez présent pour ceux qui y sont sujets, obligeant à de courtes sessions de jeu
Le nombre important de crises cardiaques que j’ai eu en cours de partie, responsables du burnout de mon cardiologue